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DES FEMMES PHILOSOPHES.

montrer par un exemple combien, même pour une femme instruite, les matières d’érudition sont remplies d’écueils.

Les Études sur les idées et sur leur union au sein du catholicisme forment avec l’Essai sur la formation du dogme catholique un contraste complet. Pendant que la princesse de Belgiojoso se perdait dans d’interminables analyses sans aboutir à une conclusion, Mme la vicomtesse de Ludre cherchait à s’élever à ce que l’esprit de synthèse peut avoir de plus dogmatique. Cette dame part du principe que les idées qui semblent contraires ne sont que parallèles et mitoyennes, et elle professe que le catholicisme, qui les embrasse toutes, est la vérité même. Pour elle, en d’autres termes, tout est en tout ; à ses yeux, les différences n’existent pas, il n’y a que des analogies traduisant l’identité de la vérité dans toutes les religions et dans tous les systèmes. Mme de Ludre se dit, comme Mme de Belgiojoso, fille obéissante de l’église, et c’est pour la plus grande gloire de l’église qu’elle a sincèrement travaillé. Mais il s’est fait dans son esprit une confusion singulière des principes du catholicisme avec quelques idées mal comprises de la philosophie moderne, et de cette confusion est sorti un panégyrique de la religion chrétienne, qui pourra plus d’une fois faire sourire les incrédules.

Oui, la doctrine de l’identité des idées à travers l’espace et le temps est vraie, et elle est le fondement de la philosophie contemporaine tant en Allemagne qu’en France. Mais à quelle condition peut-on l’appliquer d’une manière légitime et efficace ? À la condition de ne reconnaître que le génie de l’humanité pour cause créatrice de religions. Pour le philosophe, les développemens seuls constituent les différences, et il reconnaît l’identité des pensées et des affections humaines sous les variétés du costume et de la forme. Aussi il aura pour le christianisme une vénération réfléchie, parce qu’il y retrouvera, dans une plus puissante mesure, une sagesse déjà connue.

Mais, autant cette manière de voir est naturelle chez les philosophes, autant, pour ceux qui ambitionnent d’expliquer et de défendre le catholicisme, il serait dangereux de fonder leurs explications et leur apologie sur la doctrine de l’identité. L’auteur des Études sur les idées ne s’est pas aperçu qu’à force de vouloir concilier toutes les opinions il anéantissait l’individualité du christianisme : quand on a lu son livre, on croit beaucoup moins à la nécessité de la révélation. En effet, il nous montre l’humanité presque déjà chrétienne avant la venue du Christ ; Platon a écrit, s’il faut en croire Mme de Ludre, en se rapprochant le plus possible du point de vue catho-