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DES FEMMES PHILOSOPHES.

Mme de Belgiojoso en arrivant au terme de son résumé historique, nous craignons bien de n’avoir pas exposé d’une manière satisfaisante les premiers progrès de la pensée catholique, d’avoir maladroitement mêlé les choses aux hommes et permis quelquefois aux unes d’occuper l’attention que nous aurions voulu reporter sur les autres. » On ne peut mieux se juger soi-même, et la critique est vraiment heureuse de se trouver d’accord avec une femme d’esprit sur la valeur de son ouvrage.

Puisque la perspicacité que Mme de Belgiojoso a tournée avec tant de courage contre son œuvre nous y autorise, nous dirons, sans plus de détours, que le dessein de son livre est manqué. Pas une question n’a été abordée de front ni menée jusqu’au bout. Le dogme chrétien n’est ni pénétré dans son essence, ni suivi à travers les siècles. Cependant le premier problème que doit résoudre l’historien du dogme catholique est de discerner et d’établir ce qui vraiment constitue le christianisme. C’est seulement quand il aura édifié soi-même et les autres sur cette question capitale, qu’il pourra comprendre la nature, la portée, les causes, les analogies, les différences des hérésies depuis les premiers temps jusqu’à nos jours. Pour un esprit sérieux qui contemple le développement du christianisme, il y a trois choses fondamentales à distinguer : d’abord le christianisme en lui-même, tel qu’il a été conçu et posé par Jésus-Christ et par saint Paul, puis l’orthodoxie catholique successivement élaborée par les pères et les conciles, enfin les hérésies, dont le christianisme réformé du XVIe siècle est comme le couronnement. Ce n’est qu’après avoir, en connaissance de cause, pris un parti sur l’essence du dogme, qu’on peut d’un pas sûr avancer dans l’histoire. Autrement tout est incertitude, objet de méprise, cause d’erreur, et au lieu de jugemens graves et solides, ce ne sont que solutions arbitraires et capricieuses.

La princesse de Belgiojoso aurait-elle parlé de saint Augustin comme elle l’a fait, si, par une longue méditation de saint Paul, elle eût été au fond des véritables principes du christianisme ? Elle nous dit que saint Augustin était plus curieux que profond, plus froid que grave, plus raisonneur encore que convaincu, plus infatigable que fort. Avons-nous bien lu ? Saint Augustin n’était pas profond ! Cependant Bossuet disait que dans tel de ses ouvrages, la Doctrine chrétienne, il y avait plus de principes pour entendre sainement l’Écriture sainte, qu’il n’y en a dans tous les autres docteurs. L’écrivain africain est froid ! Eh ! c’est précisément son génie de mêler à la subti-