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chrétiens occupés à élever l’édifice de la religion nouvelle : ils proscrivent toute la sagesse humaine qui a précédé la prédication de l’Évangile, et en même temps ils s’en servent. Il leur arrive souvent de construire leur théologie avec des idées empruntées à la philosophie grecque et orientale. Transformations inévitables, assimilations nécessaires dans le développement du genre humain.

On ne peut donc exposer et faire comprendre la formation du dogme catholique sans écrire une histoire comparée des idées humaines. C’est une œuvre philosophique s’il en fut jamais, car ici les hommes et les évènemens disparaissent pour laisser la première place aux idées, dont il faut embrasser le cours, non-seulement dans un espace circonscrit, mais à travers toute l’histoire. Sans cette étendue de coup d’œil, la vérité échappera toujours. Comment comprendre les hérésies anciennes, si on ne leur compare pas les hérésies modernes, qui furent une reproduction des luttes des premiers siècles de l’église ? Pour se dérouler tout entières, les idées ont besoin des siècles. C’est seulement en lisant Spinoza qu’on comprend vraiment ce que voulaient Arius et Sabellius. Ainsi sagesse antique, théologie et débats des premiers siècles de l’église, hérésies et philosophie modernes, voilà les trois termes de la question pour l’historien du dogme catholique.

Quelle n’a pas été notre surprise en trouvant que l’Essai sur la formation du dogme catholique se composait d’une série de biographies, d’extraits tirés de quelques ouvrages des pères de l’église, de récits ou de citations empruntées aux historiens des premiers temps du christianisme, tels que Socrate, Eusèbe, Théodoret, enfin de quelques analyses des lois civiles des Longobards et des Germains ! En deux mots, voici la marche du livre : saint Irénée ouvre la série des biographies ; viennent derrière lui saint Clément d’Alexandrie, Origène et Tertullien, et nous arrivons à saint Athanase après une peinture fort superficielle du christianisme et de l’empire romain jusqu’à Constantin. Trois notices sur saint Ambroise, saint Jérôme et saint Augustin, nous conduisent au pape saint Léon, et l’ouvrage se termine par l’histoire des Longobards et de la papauté, des Germains et de Charlemagne. Ainsi, au lieu d’un livre sur les idées même qui constituent la religion chrétienne, nous n’avons qu’un résumé des évènemens extérieurs. La métaphysique et la théologie devaient faire le fonds de l’ouvrage, et c’est la biographie qui domine. Entre ce que le livre annonçait et ce qu’il nous donne, le contraste est tel qu’il n’a pu échapper à l’auteur lui-même. « Nous craignons bien, dit