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femme est ravie jusqu’au ciel, et pour quelques instans son corps ne touche plus à la terre. L’ame encore pleine des souvenirs de cet état divin, la femme peut écrire, les paroles ne lui manqueront pas ; elle aura pour raconter ses visions des traits d’éloquence, des lueurs de poésie qui seront comme l’éclatant témoignage du bonheur glorieux qu’elle a goûté.

Mais si la femme peut vivre long-temps seule quand elle se nourrit des affections d’un amour terrestre ou de l’amour divin, nous la croyons peu faite pour la solitude de la science, pour ces délibérations intérieures où l’intelligence pèse le pour et le contre des questions difficiles avec lenteur, avec impartialité. Les femmes ont surtout de la force dans l’esprit quand leur ame est exaltée et satisfaite ; elles ont besoin d’être soutenues par un sentiment énergique, par une foi vive que n’ébranle pas le doute. Aussi, en face des axiomes de la science, des abstractions, des principes des choses, leur attention faiblit, leur esprit se lasse vite. Il faut une longue patience dans la poursuite de la vérité, et les femmes, si patientes quand elles agissent, quand elles se dévouent à leurs devoirs ou à leurs passions, le sont fort peu quand elles se mettent aux prises avec la pensée spéculative. Leur imagination les emporte : elles abandonnent rapidement un objet pour passer à un autre ; malheureusement, la sévérité de la science ne s’accommode pas de cette aimable inconstance. La passion, d’ailleurs, suit encore les femmes même dans les études où il faudrait que la raison régnât seule : une idée les séduit, et sur-le-champ cette idée devient pour elles la source de toute vérité, sans examen approfondi, sans comparaison avec tout ce qui pourrait contredire et rectifier un premier jugement. Abstraire et généraliser sont deux opérations dont la justesse ne peut être que le fruit d’un labeur opiniâtre. Les sciences philosophiques, les sciences physiques, l’érudition, la politique, l’histoire, demandent de longues veilles, un travail infatigable et toujours renaissant. Or, de bonne foi, est-ce au fond d’une bibliothèque, dans un cabinet solitaire, le visage pâli par de nocturnes assiduités, que nous aimons à nous représenter une femme ? Non, là n’est pas sa place, là n’est pas sa vie, et la nature l’appelle ailleurs.

C’est dans ce que l’existence humaine a de plus réel et de plus pratique que la femme déploie ses meilleures aptitudes : son véritable atelier de travail est l’intérieur de sa maison. C’est là que, comme épouse, comme mère, elle traite souvent les affaires de la vie avec une supériorité véritable, et fait preuve d’une connaissance