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DES FEMMES PHILOSOPHES.

Quelle que doive être la réponse que nous nous trouverons obligé de faire à cette question, nous ne croyons pas que l’amour-propre des femmes en puisse raisonnablement souffrir. Leur organisation peut être différente de la nôtre sans être moins riche. Ce qu’un poète a écrit pour caractériser les poètes est vrai surtout des femmes ; ce sont bien elles qui peuvent dire :

La sensibilité fait tout notre génie.

Elles ont en effet une complexion particulière, grace à laquelle elles sentent la vie d’une manière plus pénétrante et plus profonde que nous, et c’est de là que viennent cette finesse charmante, ce tact divinatoire, auxquels ne peuvent atteindre les hommes avec leur énergie grossière. Aussi, toutes les idées qu’inspirent les passions, les femmes les auront en abondance, et elles pensent surtout en aimant.

Voyez cette femme qui pendant longues heures reste solitaire et immobile à la même place ; on dirait la statue de la Méditation, on croirait voir l’image de la Science contemplative. Détrompez-vous, cette femme ne songe pas aux idées, mais à celui qu’elle aime ; elle se souvient des plaisirs passés, elle rêve à ceux qui l’attendent, elle s’abreuve avec lenteur de ce que le souvenir et l’espérance peuvent lui apporter d’émotions ardentes et douces. Alors, si dans cette solitude enflammée l’ame sent le besoin de se répandre au dehors, si la femme veut peindre pour elle-même et pour un autre les sensations qui l’agitent, il arrivera que, sans étude, sans ambition d’esprit, elle trouvera d’adorables accens, inimitables même pour les efforts d’un génie viril.

C’est presque toujours l’amour qui conduit les femmes aux raffinemens de la religion. La dévotion est pour elles une phase nécessaire dans leur vie passionnée. Plus le contraste est vif, plus il leur plaît ; d’ailleurs, la contradiction n’est qu’apparente, car, au fond, c’est toujours l’amour qui occupe leur ame : cette fois seulement, il va plus haut que l’homme, et il épure ses ardeurs en les élevant à Dieu. L’amour divin est pour les femmes une source inépuisable de forces nouvelles : nous ne parlons plus ici seulement de la dévotion ordinaire, mais des élans d’un mysticisme exalté et subtil. Quand elle s’est tournée vers ces hautes régions de la spiritualité, c’est avec délices que la femme se plonge dans la solitude et s’y oublie ; elle s’y met sous la main de Dieu, elle croit l’entendre, elle le voit, elle le sent. C’est alors que l’extase produit tous ses miracles, c’est alors que, dans les étreintes et les transports de ce céleste hyménée, la