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cessaires d’une telle procédure, et les faire comprendre au parlement. C’était alors qu’il fallait lui exposer les motifs qui autorisaient peut-être à dénier un droit dangereux autant qu’inutile, et qui ne s’était pas exercé une seule fois depuis 1789. À quoi bon, en effet, le droit d’enquête lorsque la confection et la pureté des listes électorales sont protégées par l’intervention des tiers et par une double juridiction administrative et judiciaire ? À quoi bon le droit d’enquête lorsque le secret du vote est garanti par la loi, et que l’omission d’une seule des formalités sacramentelles de l’élection en entraîne la nullité radicale ? S’agit-il de faits de violence ou de corruption, d’attentats à la liberté matérielle de l’électeur, ou de tentatives de vénalité ? Mais ces faits sont qualifiés crimes ou délits par des lois spéciales : des pénalités graves les atteignent directement, et tout pouvoir qui, sur la dénonciation des parties intéressées ou sur la clameur publique, se refuserait à les poursuivre, s’exposerait à la plus sérieuse responsabilité constitutionnelle. Des protestations annexées aux procès-verbaux ne peuvent-elles suffire à éclairer la chambre, et ne vaut-il pas beaucoup mieux annuler quelques élections de plus que de donner au pays le spectacle qu’il vient d’avoir sous les yeux ? Dans tous les cas, pour qui admet le droit, d’enquête, il n’y a pas à reculer devant ses conséquences logiques et inévitables, et nous ne saurions nous associer, à cet égard, à des agressions peu réfléchies. La commission a fait son devoir, la chambre aussi a fait le sien. Elle n’a pas eu deux poids et deux mesures : elle a su frapper un candidat patroné par l’opposition aussi bien qu’un candidat appuyé par le pouvoir, et elle ne s’est montrée indulgente que pour la probité pauvre luttant contre la corruption effrontément organisée. C’est là un bon résultat au point de vue moral, mais il ne compense pas, à nos yeux, les périls d’une telle mesure, et les irritations locales qu’elle ne peut manquer de susciter. Il est des conquêtes politiques stériles, comme il en est de fécondes, et nous n’oserions placer le droit d’enquête au nombre de ces dernières.

La discussion des sucres a commencé, et, dans des discours peu écoutés, parce qu’ils n’ont révélé aucun fait nouveau, la chambre a vu se produire les diverses solutions sur lesquelles nous nous arrêtions il y a quinze jours avec détail. Il faudra choisir entre l’interdiction de la culture indigène et les tentatives essayées pour amener l’égalisation des charges entre les deux sucres nationaux ; il n’est plus d’attermoiement possible, et l’équilibre par les prix de revient est devenu une impossibilité reconnue par tout le monde. Procèdera-t-on à l’égalisation par l’élévation progressive de l’impôt sur le sucre indigène, comme le réclame la minorité de la commission, ou par voie de dégrèvement sur le sucre colonial, ainsi que l’a demandé un orateur qui porte un nom entouré de brillans souvenirs ? Telle est la question principale dans ce débat. La chambre, encore fort incertaine, paraît néanmoins incliner vers l’amendement de MM. Passy, Dumon et Muret de Bord. L’état grave de nos finances interdit toute expérimentation incertaine et ne permet pas d’essayer un dégrèvement trop faible dans ses effets pour affecter la consommation et