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CALCUTTA.

nités grossières, les seules auxquelles elles soient convoquées. Les bateaux sur lesquels flotte l’idole se séparent aux cris des assistans, et Dourgâ s’abîme dans les flots, emportant avec elle les injures et les malédictions de ses adorateurs, qui proclament ainsi l’impuissance de la divinité sortie de leurs mains. Ainsi finit la fête, aux derniers rayons d’un soleil d’octobre difficile à supporter, et qui ramène le beau temps et la sécheresse jusqu’à la prochaine mousson.

En voyant ce peuple ainsi subjugué par l’éclat de ses fêtes mythologiques, on se reporte malgré soi aux solennités de l’ancienne Grèce, avant le siècle de Périclès, et surtout à celles que l’Égypte célébrait sur le Nil ; seulement ici il y a plus de fougue et de désordre dans l’expression des sentimens qui agitent les masses. Mais, à ceux qui accuseraient les Hindous de barbarie, on objecterait le perfectionnement extraordinaire de la langue hiératique d’une part, et de l’autre l’étonnante quantité d’écoles dirigées par des brahmanes (indépendamment des colléges dont nous avons parlé). Presque tout le monde sait lire ; il n’est pas rare de voir un simple domestique, un porteur de palanquin, employer ses heures de repos à étudier des hymnes, des fragmens de légende sacrée copiés de sa main. L’Inde a toujours eu ses écoles de philosophie et de poésie, je dirais presque son académie de Bénarès ; plus tard, à Delhi, la réunion de quelques poètes musulmans donna au pays un mouvement littéraire qui se communiqua partout où l’on parlait l’idiome né de la conquête. Les provinces nouvellement soumises à l’Angleterre ont encore leurs improvisateurs et leurs rapsodes ; les grands poèmes qui se récitaient jadis dans les assemblées religieuses, au temps où l’Inde était intacte, se chantent aujourd’hui par lambeaux, à travers les rues, sur cette terre partout entamée. L’occupation anglaise a jeté, il est vrai, une certaine perturbation dans les études anciennes ; elles les a fait, pour ainsi dire, refluer vers leurs sources, comme un courant qui en rencontre un autre moins rapide. Ainsi, d’abord, les brahmanes, gardiens des vieux textes, cachèrent le dépôt confié à leurs soins ; mais, plus tard, quand ils se sont vus encouragés par le gouvernement, qui craignait leur influence, ils sont sortis un peu de ce silence obstiné ; ils ont consenti, non à adopter les idées de l’Europe, mais à aider quelques savans dans l’intelligence de leurs livres, à les guider dans la lecture des inscriptions, qui sont l’histoire écrite sur les monumens dans la rédaction des dictionnaires. Ils se sont décidé enfin à envoyer leurs enfans dans les colléges ouverts pour eux. Ces jeunes gens, fort avides de feuilleter nos livres et