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CALCUTTA.

L’embouchure des grands fleuves présente toujours des dangers à la navigation : ici ce sont des roches sous-marines jadis recouvertes d’une épaisse couche de terre balayée par les flots, là des bancs et des grèves chaque année déplacés par les débordemens, tour à tour entraînés et formés de nouveau par les courans et les marées, ailleurs une barre limoneuse qui est comme la ligne de démarcation entre les eaux douces et l’Océan. Grossi par vingt-une rivières considérables qui se gonflent elles-mêmes périodiquement à la saison des pluies, à la fonte des neiges, le Gange, malgré les huit bouches par lesquelles il se jette dans le golfe en arrosant et inondant parfois son delta, roule une si puissante masse d’eau, que son lit, à l’entrée principale, est inégal et capricieux comme celui d’un torrent. Aussi, lorsque, dans une nuit sombre et pluvieuse de juillet, un navire poussé vent arrière par la brise du sud-ouest arrive sur les brasses, sa position n’a rien de rassurant jusqu’à ce qu’il ait à bord le pilote que lui envoie, dans une chaloupe montée par douze lascars intrépides, l’un des bricks toujours en croisière devant cette côte menaçante. Entre une longue ligne de récifs célèbres par plus d’un naufrage, sur lesquels mugit à marée basse la vague furieuse, et des bancs de sable mêlés de vase sur lesquels le plus gros trois-mâts tournoie et disparaît englouti, le navigateur, battu par les rafales d’un vent lourd et chargé de pluie, inondé par les eaux du ciel et par les