Celles qui sont mariées cachent leurs cheveux sous leur coiffure, les autres les laissent pendre en longues tresses sur le dos. Tout ce costume pourrait être fort pittoresque, mais il ne se compose que de lambeaux d’étoffe éraillés, déchiquetés, souillés par une crasse dégoûtante. La beauté des femmes, la beauté héréditaire et ineffaçable du type oriental disparaît sous leur saleté et les insignes de leur misère. S’il y a parmi elles des Rachel et des Rébecca, le pieux Tobie et le galant Ivanhoé auraient de la peine à les reconnaître sous les haillons hideux qui les enveloppent. Les juifs qui habitent dans les villes, et ceux surtout qui se dévouent au service des étrangers, sont seuls soigneux de leurs vêtemens, et les jeunes marchandes juives de Varsovie ou de Cracovie affectent dans la coupe de leurs robes, dans les tresses ondulantes de leurs longs cheveux, une coquetterie digne d’une modiste de Paris.
Il y a pourtant parmi les juifs des campagnes, si honteusement vêtus, des gens riches, des usuriers qui pourraient étaler de belles piles de ducats, des agioteurs qui perçoivent chaque année le produit le plus net de tout un village. Mais il semble que cette race si souvent persécutée, bannie, spoliée, conserve au XIXe siècle le souvenir des rigueurs du moyen-âge, et qu’un sentiment continu de défiance lui inculque des habitudes profondes d’avarice. Les moyens fallacieux par lesquels elle s’enrichit ne l’encouragent pas non plus à faire parade du fruit de ses rapines, et elle cache sa fortune avec autant de soin que nos négocians en mettent ordinairement à montrer la leur.
Depuis la révolution de 1831, les juifs sont devenus plus odieux que jamais à la population polonaise. Tandis que du palais des grands seigneurs jusque dans les chaumières du paysan un même cri retentissait dans tous les cœurs, et qu’un même rayon de liberté fascinait tous les regards, les juifs restèrent à l’écart immobiles et impassibles au milieu de ce mouvement généreux qui entraînait une valeureuse nation à reconquérir sa place parmi les nations de l’Europe. Quelques-uns d’entre eux, non contens de garder cette froide neutralité, entreprirent un métier infâme. Les soldats polonais en ont pendu plusieurs qui venaient de vendre les secrets de l’armée insurgée au quartier de Diebitsch ou de Paskewitch. C’est un juif aussi qui révéla à l’autorité russe la retraite de Konarski, ce jeune et audacieux chef de la conspiration de Wilna. Pour prix de ses honteux renseignemens, il a reçu une récompense d’argent, une médaille d’or, qu’il a la lâcheté de porter, et un titre de noblesse !
Ceux qui, dans le cours de la révolution polonaise, se sont montrés attachés à la cause de la Russie, n’ont pas été oubliés dans les rémunérations que les agens de l’empereur distribuaient à ses fidèles sujets. Quelques-uns ont reçu de l’argent, d’autres ont été décorés de l’ordre de Saint-Stanislas. En vérité, on ne peut pousser plus loin le déluge des décorations qui inonde la Russie. La population juive, glorifiée ainsi dans quelques-uns de ses membres, a obtenu en même temps d’autres priviléges. Il leur a été permis d’acheter des terres et de s’implanter dans certains districts qui, jusqu’alors ; lui étaient in-