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Nouvelle-Zélande, et de là sur Sydney dans la Nouvelle-Galles du sud. Déjà le bruit de la première réparation obtenue de la reine Pomaré était parvenu dans cette résidence, et les journaux de la localité, inspirés par les amis du missionnaire Pritchard, en parlaient dans les termes les plus injurieux. Le gouverneur anglais s’en émut, et il crut devoir adresser à M. du Petit-Thouars une lettre ambiguë à laquelle celui-ci répliqua d’une manière ferme et digne. Le séjour de la Vénus dans cette colonie pénale offrit au commandant l’occasion d’étudier le régime qui y est en vigueur. On venait alors d’introduire à la Nouvelle-Hollande l’institution du jury, dans lequel étaient admis des hommes notoirement vicieux et même d’anciens libérés. Ces gens-là, interprétant ces fonctions à leur manière, acquittaient tous les prévenus indistinctement, même les assassins. M. du Petit-Thouars cite une affaire où douze convicts étaient convaincus d’avoir traqué dans une hutte vingt-huit naturels, de les avoir fait rôtir à petit feu et massacrés à la suite d’horribles tortures. Ils parurent devant un jury qui rendit un verdict d’acquittement. Entre bandits c’est ainsi qu’on se rend justice ; ce dernier trait manquait à l’histoire des colonies pénales.

Enfin la Vénus, après une campagne marquée par d’utiles travaux, tourna sa proue vers Bourbon et le cap de Bonne-Espérance. Elle était sur le grand chemin de l’Europe ; sa mission pouvait être regardée comme finie. Peu de temps après, elle reprenait à Brest le mouillage qu’elle avait quitté trente mois auparavant. Outre l’intérêt qui s’attache à de pareils voyages, celui-ci a un titre qui lui est particulier. Il a préparé les voies à l’occupation des îles Marquises, et à l’attitude que la France vient de prendre dans les parages polynésiens.

Quoique la Vénus n’eût pas une mission scientifique proprement dite, de nombreuses et importantes observations signalèrent son itinéraire. En dehors du calcul des montres, on prit à bord des distances lunaires toutes les fois que les circonstances le permirent et les résultats obtenus coïncidèrent avec les indications des meilleurs chronomètres. L’hydrographie ne fut pas négligée ; vingt-un plans ou cartes témoignent du zèle de l’ingénieur et des officiers de la frégate. La météorologie, les températures sous-marines, la direction des courans, la hauteur des vagues, la phosphorescence de l’eau, les observations sur le magnétisme terrestre, occupent une place importante dans les opérations du voyage, à côté des études ethnographiques et des travaux de triangulation. Des collections considérables, rapportées de différens points du globe, ont enrichi nos