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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

De l’île Christina, où elle avait laissé une garnison, la Reine. Blanche cingla vers le groupe nord-ouest des îles Marquises. Le supérieur de la mission catholique prit passage à bord de la frégate afin de s’assurer par lui-même du sort de quelques prêtres qu’il avait envoyés à Houa-Poua. On mouilla dans l’une des baies de cette île, et l’on apprit que les missionnaires, en butte à de mauvais traitemens, avaient été contraints d’abandonner cette résidence ; un petit troupeau d’indigènes convertis y restait comme un témoignage de leurs efforts. La frégate passa outre et vint jeter l’ancre dans la baie de Taïo-Haë, sur l’île de Nouka-Hiva, lieu désigné pour devenir le siége du gouvernement des îles Marquises. Le roi auquel obéissait cette plage se nomme Temo-Ana ; il descend de chefs que l’Américain Porter avait connus, et dont il parle dans sa relation. Sur le premier appel qui lui fut fait, ce souverain se rendit à bord de la Reine Blanche. C’est un tout jeune homme d’assez bonne mine, mais dont l’autorité ne semble pas solidement assise, même sur ses propres tribus. Quelques mois auparavant, sa femme lui avait été enlevée par un chef voisin, et ce rapt était demeuré impuni. Le contre-amiral offrit à Temo-Ana d’intervenir dans sa querelle, s’il consentait à reconnaître la souveraineté du roi des Français. Temo-Ana accepta la proposition avec empressement, et les chefs des deux baies, consultés à leur tour, y accédèrent. La reconnaissance eut lieu avec la même solennité que sur l’île Christina. Le pavillon français fut hissé sur le mont Tuhiva, qui domine la petite baie d’Hakapéhi, et l’acte de possession, dressé après la cérémonie, fut signé par tous les chefs qui y avaient assisté. On leur distribua quelques présens et on leur donna un drapeau, dont ils se montrèrent très fiers. Ainsi finit cette seconde journée, qui terminait les formalités préliminaires de l’occupation.

Depuis ce jour, les travaux du nouvel établissement furent conduits avec une grande ardeur. On traça le plan du fort, on commença la construction d’une case de vingt mètres de long sur sept à huit de large. Les indigènes offrirent leurs bras et fabriquèrent de la chaux ; on découvrit une argile propre à faire des briques, on suppléa par des moyens ingénieux au manque d’outils et d’instrumens. Peu à peu des renforts et des ravitaillemens arrivèrent. Des corvettes de l’état et des bâtimens de commerce apportèrent des vivres, des munitions, des objets de toute nature, même des couples d’animaux qu’on devait naturaliser sur ces plages. Pendant ce temps, le capitaine du Petit-Thouars s’acquittait de sa promesse envers Temo-Ana, et intervenait comme médiateur dans sa querelle conjugale. Un in-