Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/568

Cette page a été validée par deux contributeurs.
562
REVUE DES DEUX MONDES.

Les officiers de la Vénus trouvèrent chez les habitans de Monterey un fort aimable accueil. Un bal fut donné en leur honneur ; les notabilités du lieu se firent un devoir d’y paraître. Cette population est d’ailleurs vive, enjouée et bienveillante ; un sentiment profond d’égalité y domine : point d’étiquette, point de distinction de classes. Il serait difficile, en effet, au milieu du croisement des familles, d’établir la moindre catégorie. Parmi les deux cents ames qui peuplent Monterey, il y a des créoles issus d’Espagnols et de femmes indigènes, des étrangers venus de tous les points du globe, des Écossais, des Irlandais, des Américains, des Français, qui ont pris là des femmes métisses ou blanches, et ces races se sont croisées de telle sorte, qu’aujourd’hui l’identification en est complète. C’est ce qui compose à Monterey la société de la gente de razon, les gens raisonnables, comme il faut ; viennent ensuite les Indiens convertis que l’on nomme christianos, et les Indiens idolâtres qui sont les gentiles. Le bal qui fut donné aux officiers de la frégate se composait des personnes de la gente de razon. Les femmes de cette classe sont d’une taille moyenne, ont le teint brun, de belles dents, de magnifiques cheveux noirs. Elles ont adopté, pour leur costume, les modes européennes, modifiées par le goût espagnol. Les hommes ont en général un air de distinction, et dans les traits cette régularité qui appartient au type espagnol. Quant aux Indiens, ils ont des figures repoussantes, le teint fuligineux, des cheveux noirs et plats, les pommettes saillantes, la bouche énorme, enfin une intelligence à peine au-dessus de celle de la brute. Leurs compagnes ne sont pas mieux partagées sous ce rapport, et les deux sexes ajoutent à cet ensemble de dons extérieurs une saleté repoussante. La principale industrie de ces indigènes consiste dans la fabrication de paniers d’un tissu si serré, qu’ils tiennent l’eau ; ils s’en servent pour faire cuire leurs alimens. Ils travaillent aussi avec un art infini des coupes élégantes qu’ils revêtent de coquillages nacrés, et qu’ils ornent des plumes noires choisies dans les huppes de la perdrix de Californie. Les Indiens excellent de leur côté dans la préparation des arcs et des flèches. Ils renforcent l’arc par un nerf de cerf très artistement uni au bois, et tendent l’arme dans le sens opposé à la courbure. En guise de carquois ils se servent d’étuis faits en peaux de lièvres et de renards, qu’ils ornent toujours de grains de verre et de petits coquillages.

Après diverses relâches dans les ports de la haute et basse Californie, la Vénus parut au mouillage de Mazatlan, dont la destinée forme un contraste complet avec celle de Monterey. Pendant que ce