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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

rins. C’était un élégant équipage de voyage attelé de six beaux chiens. Un Kamtschadale en costume d’hiver, le bâton ferré à la main, se tenait prêt à partir. Quand on eut examiné l’attelage, il monta sur une selle revêtue de peaux d’ours et donna le signal en criant : khâ ! khâ ! À ces mots, les chiens s’élancèrent de toute leur vitesse, parcoururent une rue inclinée, puis coupèrent une autre rue à angle droit, enfin, après divers détours, remontèrent la colline et revinrent au point de départ. C’était une scène charmante et pleine de nouveauté. Un officier de la frégate ayant témoigné le désir de faire une course, un autre traîneau fut amené et attelé d’une nouvelle meute. Les chiens dressés à cet usage ressemblent aux chiens-loups de nos bergers ; ils ont les oreilles courtes, en forme de cornets, toujours dressées, ce qui leur donne un air éveillé et farouche ; ils sont très haut sur leurs pattes, leur queue est très développée, le poil est long et touffu ; la couleur la plus commune est fauve ou blanche à reflets jaunes. Ces animaux vivent toujours en plein air, attachés deux à deux, et ils font dans la terre des trous, où ils logent une partie de leur corps ; on les nourrit de poisson salé, souvent pourri, qui leur est distribué deux ou trois fois par jour. Aucun service n’est plus précieux que le leur ; en voyage, ils font six milles à l’heure, et près de soixante milles dans leur journée. Dans ce cas, on ne leur donne à manger qu’une seule fois et lorsque la course est finie. Pour une longue route, il faut plusieurs attelages, afin que ces animaux puissent se reposer un jour sur deux. Les équipages des traîneaux se composent de cinq, dix et jusqu’à vingt chiens ; le prix du loyer est de quatre centimes par attelage de cinq chiens et par chaque verste de parcours pour les courriers du gouvernement, et de huit à douze centimes pour les autres voyageurs. Les chiens sont ordinairement attelés deux par deux ; quelquefois on en place un en volée ; le mode d’attelage est un collier en lanières de cuir assez léger pour ne pas gêner les mouvemens. Lorsqu’un équipage est attaqué par un ours, il suffit de dételer les chiens pour qu’ils viennent à bout de l’agresseur, mais, gênés par les harnais, quelquefois ils succombent. Quant aux traîneaux, ils sont de diverses formes et de différentes grandeurs, les uns pour une personne, d’autres pour deux, trois, quatre et jusqu’à six personnes ; d’autres, enfin, ne sont destinés qu’au transport des marchandises. À l’aide du bâton dont il est armé, le conducteur dirige le tout, change de direction ou imprime des mouvemens obliques. Cette manière de voyager est la seule qui soit usitée dans la partie méridionale du Kamtschatka ; les attelages