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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

rante et poussée jusqu’à l’hébêtement. Des deux parts, les passions étaient fort animées, et l’on attendait avec autant de curiosité que d’inquiétude la suite des évènemens. Le capitaine Laplace ne tint pas long-temps les esprits dans l’indécision.

Aussitôt que la frégate avait été signalée, l’agent consulaire français s’était rendu à bord ; deux heures après, des salves d’artillerie annoncèrent le départ de ce fonctionnaire en compagnie d’un officier qui devait demander au roi des Sandwich comme ultimatum : 1o le libre exercice de la religion catholique ; 2o un terrain pour la construction d’une église ; 3o l’élargissement des catholiques incarcérés ; 4o une somme de 20,000 piastres fortes, à titre de garantie. Soixante-douze heures étaient accordées pour adhérer à ces conditions ; la somme fixée devait être portée à bord de la frégate, pendant que le fort d’Honoloulou saluerait le pavillon français de vingt-quatre coups de canon. À l’appui de son ultimatum, le capitaine Laplace écrivit aux divers consuls pour leur en notifier le contenu, en offrant aux résidens des diverses nations civilisées un asile à bord de la frégate dans le cas où il faudrait en venir à l’emploi de la force. La lettre au consul des États-Unis contenait le passage suivant, qui eut un effet décisif : « Je ne comprends pas parmi vos nationaux, monsieur, les individus qui, quoique natifs des États-Unis, font en réalité partie des chefs de cet archipel, dirigent son gouvernement, influencent sa conduite, et sont les véritables instigateurs des insultes faites à la France. À mes yeux ils passent pour de véritables indigènes, et ils doivent subir les conséquences de la guerre qu’ils auront attirée sur ce pays. »

Telle était la réparation que le commandant français exigeait du roi polynésien ; on ne pouvait se montrer plus catégorique. Le consul était chargé d’ajouter verbalement qu’en tout état de cause l’équipage de l’Artémise descendrait en armes le dimanche 14, pour assister à une messe qui serait célébrée au consulat.

Quand cette pièce parvint au palais du gouvernement, la consternation y fut grande. Cependant un sentiment de résignation parut dominer les esprits. Le roi étant absent, il fallut demander quelques jours de délai ; le capitaine Laplace ne les accorda qu’en exigeant un otage. On lui envoya le commandant du fort, personnage très influent ; il se nommait Kanaïna, et passa quelques jours à bord de la frégate. Cet homme paraissait émerveillé de ce qu’il voyait et ne cherchait pas à cacher sa surprise. Les wesleyens avaient, à l’aide d’habiles mensonges, si bien déprécié la France aux yeux des insu-