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morceau d’une belle architecture. Malheureusement l’intérieur de la ville ne répond pas tout-à-fait à cette apparence extérieure. On voit que la guerre civile a passé par là. Les rues sont mal entretenues et se dégradent, les maisons sont à demi ruinées ; presque toutes n’ont qu’un rez-de-chaussée, à cause des tremblemens de terre. Une cour intérieure sépare les bâtimens, et c’est là qu’aux premières secousses se réfugient les familles. Les logemens sont disposés autour de cet espace ; les chambres à coucher en garnissent les côtés, les salons occupent le devant et sont de plain-pied avec la rue ; ils prennent jour par des portes cochères qui ne se ferment qu’à l’heure des repas, de sorte que la vie domestique a peu de secrets pour le public.

Lima est dans une grande décadence ; jusqu’ici l’émancipation ne lui a pas porté bonheur. C’est du reste une fatalité attachée à toutes les colonies d’origine espagnole que cette agitation dans l’impuissance et ce désordre dans la torpeur. Depuis que l’impulsion métropolitaine ne les anime plus, elles se consument sur place et ne semblent avoir d’activité que pour se nuire. Il n’y a là ni assez d’élémens de sagesse pour organiser la liberté, ni assez d’élémens de soumission pour fonder la dictature. Au milieu de cette anarchie qui dévore le pays, Lima se dépeuple d’une manière effrayante, et la misère gagne chaque jour du terrain. En 1820, on y comptait près de soixante mille habitans ; il n’y en a guère aujourd’hui plus de quarante mille, en y comprenant les métis et les noirs. La ville occupe un site pittoresque au débouché d’une vallée que forme la chaîne des Andes et qu’arrose le Rimac, rivière torrentueuse ; sa forme est celle d’un croissant ; une muraille de huit mètres de hauteur l’enveloppe et la protége. Comme toutes les villes espagnoles, elle est divisée par quadras qui ont cent vingt-cinq mètres de côté ; les rues ont dix mètres de largeur ; celle du faubourg de Malambo en a vingt. En général, les places sont prises sur l’aire de la quadra, et la plus grande de toutes, que l’on nomme la Place du Palais, occupe une quadra tout entière. C’est là que se trouvent l’archevêché et la cathédrale.

Les femmes de Lima ont une grande réputation dans le monde des voyageurs, et le capitaine de la Vénus n’est pas des derniers à leur rendre justice. Petites en général, elles ont des traits d’une finesse extrême, de très beaux yeux, des dents d’une blancheur parfaite, des chevelures noires, soyeuses, touffues, et tombant jusqu’à terre. Le pied est petit et bien fait, le bas de la jambe fin et élégant,