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l’avenir, étaient devenues nécessaires. La France ne pouvait laisser impunis ni le meurtre de ses équipages de commerce victimes d’abominables festins, ni l’intolérance d’un clergé qui ne reculait pas devant la violence pour s’assurer le monopole des travaux apostoliques. Tels sont les motifs qui ont amené l’occupation des îles Marquises et le protectorat des îles de la Société.

Le voyage de la Vénus est comme le prélude de ces deux démonstrations décisives. Avant d’arborer le drapeau national sur ces terres éloignées, M. du Petit-Thouars les avait parcourues de 1837 à 1839. Sa mission intéressait principalement nos pêches lointaines : il s’agissait de montrer notre pavillon dans des parages où il était peu connu et d’en imposer le respect à des peuplades promptes à l’insulte ; il s’agissait en outre de prêter main-forte à nos capitaines contre l’indiscipline et la turbulence de leurs équipages : double mandat difficile à remplir et qui exigeait autant de modération que de fermeté. Cette intervention armée était d’ailleurs urgente. Sur les points où abordaient nos baleiniers, ils ne rencontraient qu’un accueil fort équivoque, tant les missionnaires protestans avaient su propager parmi les insulaires des mers du Sud le mépris de notre puissance ; et, livrés pour ainsi dire à eux-mêmes pendant deux ou trois années de navigation, les équipages partis du Hâvre, de Nantes ou de Bordeaux, donnaient dans ces eaux éloignées le spectacle d’une insubordination qui allait parfois jusqu’à la violence, et qui, dans tous les cas, était indigne d’une nation civilisée. Un intérêt de protection vis-à-vis des autres, de police vis-à-vis des nôtres, appelait donc notre marine militaire dans une zône de croisières trop délaissée par elle. C’est ce qui motiva l’expédition du capitaine du Petit-Thouars.

Il n’y a pas lieu d’appuyer sur les premières relâches de la Vénus, cette partie de l’itinéraire se rapporte à des contrées trop connues et en relations journalières avec l’Europe. La frégate toucha à Rio de Janeiro, d’où, à la suite d’un court séjour, elle remit à la voile pour doubler le cap Horn. À la hauteur du détroit de Lemaire parurent les oiseaux qui habitent les latitudes élevées du pôle austral, les pingouins si curieux dans leurs habitudes apathiques, l’albatros dont les larges ailes ont jusqu’à quinze pieds d’envergure, le damier qui a pris ce nom de son plumage noir et blanc, enfin le fou, le pétrel et toute cette famille d’oiseaux à pattes palmées qui décrit dans le ciel des spirales sans fin ou se laisse mollement bercer par la vague. On ne chasse pas ces animaux, on les pêche. À l’aide d’une ligne