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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

promet pas, même pour l’avenir, de bien sérieuses compensations. La Nouvelle-Zélande, sur laquelle des colons français ont commencé une exploitation, offrait de tout autres avantages et de tout autres ressources. Là du moins un sol étendu et fertile, des produits riches et variés, le voisinage de marchés importans, auraient permis d’entrevoir le terme des sacrifices d’une occupation et le remboursement des avances que la métropole y aurait consacrées. Sur les deux archipels qui reconnaissent aujourd’hui notre suprématie, rien de pareil à attendre ; le territoire est trop borné, les distances sont trop considérables, pour que ces îles puissent jamais devenir le siége de relations fructueuses et suivies.

Est-ce une raison pour condamner l’initiative qui nous en a rendus ou les protecteurs ou les maîtres ? Non, certes. Aux empiètemens successifs de l’Angleterre il convenait d’opposer un acte qui eût à la fois le caractère d’une protestation et d’un commencement de représailles. La témérité du ministère est allée jusque-là, et il faut l’en féliciter. La raison financière pourrait avoir à y reprendre, mais la politique l’absout. Quand on ne devrait y voir qu’une diversion au grand débat sur la police des mers, il serait encore habile de l’avoir créée et surtout de l’avoir fait accepter par l’amirauté anglaise. Tout ce que l’on peut regretter à cet égard, c’est que notre gouvernement n’ait pas répondu à des exigences voisines par une démonstration moins lointaine, et que la concession obtenue du cabinet britannique ne porte pas sur un territoire d’une valeur plus réelle. En fait de dédommagemens, on ne pouvait pas se montrer plus modeste, et l’acte est plus significatif en lui-même que dans son objet.

Divers motifs conseillaient d’ailleurs de fonder dans ces mers un établissement militaire, un mât de pavillon, pour ainsi dire. Nos nationaux y étaient en butte à des outrages et à des dangers de plusieurs sortes. Les navires que nos ports de commerce expédiaient à la pêche du cachalot et de la baleine avaient eu plusieurs fois à essuyer d’horribles catastrophes sur ces bords inhospitaliers. Le Jean-Bart du Hâvre, la Joséphine de Bordeaux, disparurent ainsi, l’un devant les îles Chatam, l’autre aux îles Viti, et l’on sut depuis que les équipages avaient été dévorés jusqu’au dernier homme par des tribus de cannibales. D’un autre côté, les missionnaires méthodistes ou épiscopaux, dont l’influence est souveraine sur tous les groupes de l’Océanie, s’étaient livrés à d’indignes voies de fait envers les premiers apôtres catholiques qui avaient mis le pied sur ces rivages. À ce double titre, des réparations pour le passé, des garanties pour