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LE TERRITOIRE DE L’OREGON.

drid reçut-il l’ordre de demander non-seulement la reddition des navires saisis, mais de plus une indemnité pour les pertes occasionnées aux parties intéressées, et une réparation éclatante de l’injure faite à des sujets anglais commerçant et naviguant sous le pavillon britannique dans des mers où ils avaient un droit incontestable de commercer, de naviguer et de pêcher librement, de s’établir sur les côtes avec le consentement des naturels, partout où ne flottait pas le drapeau d’une autre nation européenne.

Dès le premier moment, l’Espagne s’était montrée prête à soutenir par les armes ses prétentions. L’Angleterre fit de même : le parlement vota des subsides extraordinaires ; des communications furent faites à la Hollande et à la Prusse, qui promirent leur concours, comme elles y étaient engagées par des traités. Cela se passait au commencement de l’année 1790, tandis que dans toute l’Europe on était en proie aux sentimens de crainte ou de sympathie qu’avait excités le début de la révolution française. M. de Montmorin, craignant que la guerre entre l’Angleterre et l’Espagne ne fît éclater un bouleversement général, offrit la médiation de la France, qui fut refusée. Dans ces conjonctures, un ambassadeur anglais fut envoyé à Madrid. Ses instructions lui enjoignaient d’exiger, comme préliminaires de toute négociation, des réparations pour les dommages éprouvés par les parties intéressées, et une déclaration des motifs de cette concession. Il devait, par-dessus toutes choses, éviter d’entrer dans des discussions sur le point de droit ; mais, s’il y était forcé, il fallait qu’il déclarât nettement que l’Angleterre n’admettrait pas que les Espagnols eussent des droits sur un pays qu’ils n’avaient jamais possédé ni exploré, non plus que le privilége de faire le commerce et de naviguer dans la mer Pacifique, sur les côtes de l’Amérique ; enfin, il lui était enjoint de soutenir que l’occupation, faite de bonne foi, sur la côte du golfe de Nootka, par des sujets britanniques, constituait une prise de possession, et leur conférait le droit d’y faire le commerce, à moins qu’il ne fût prouvé que l’Espagne en avait la possession antérieure. La cour de Madrid reçut avec beaucoup de fierté ces impérieuses prétentions. Elle renouvela l’offre de restituer les navires saisis et de donner une indemnité, puisqu’il y avait eu bonne foi ; mais elle maintint qu’elle possédait, en droit comme en fait, toute la côte découverte par elle du continent américain, depuis la Californie jusqu’aux établissemens russes

Entre ces prétentions également absolues, il n’y avait pas d’arrangement praticable. Cependant, des deux côtés, on redoutait une