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prétexte de cette expression vague, l’Angleterre s’occupa de faire déterminer cette limite à son avantage. L’occasion s’en présenta dans la négociation d’un traité de frontières qui se discutait en 1803 à Londres entre M. Rufus King et lord Hawkesbury. Le plénipotentiaire anglais proposa de conserver pour ligne de démarcation entre les États-Unis et le Canada l’ancienne limite établie, à la suite du traité d’Utrecht, jusqu’au lac des Bois, et de tirer de ce point une ligne droite jusqu’à la rencontre du Mississipi. Cette frontière ne nuisait en aucune façon aux États-Unis et le gouvernement anglais se flattait qu’ils l’accepteraient aisément. Mais il ignorait que les Américains négociaient à Paris la cession de la Louisiane et de toutes les possessions françaises dans la vallée du Mississipi, et que dès-lors ils étaient intéressés à maintenir dans toute leur intégrité les droits de la France, auxquels cette nouvelle ligne de démarcation pouvait être préjudiciable. Aussi M. Jefferson, alors président, repoussa-t-il le traité, sans même le communiquer au sénat, souverain arbitre dans les questions diplomatiques. Quatre ans plus tard, en 1807, de nouvelles négociations s’ouvrirent à Londres entre M. Monroe et M. Pinkney pour les États-Unis, et lord Holland et lord Auckland pour l’Angleterre. Cette fois-ci le gouvernement anglais adopta une autre marche, tout en poursuivant le même but. Acceptant la conservation de l’ancienne limite du 49e degré, il se contenta de demander qu’on fît disparaître l’expression vague des premiers commissaires français et anglais, et qu’on arrêtât la frontière aux Montagnes Rocheuses. Les plénipotentiaires américains consentirent volontiers à ce sacrifice, dont ils ignoraient la valeur. Ce traité eut le sort du précédent. M. Jefferson refusa de le ratifier, parce qu’il ne renfermait pas une renonciation explicite au droit de presse, que les Anglais voulaient exercer sur les navires des États-Unis. À Gand, la même concession fut demandée et accordée ; mais, comme les Anglais exigeaient qu’elle fût accompagnée du droit de libre navigation sur le Mississipi, l’article qui la renfermait fut omis, et la question des limites fut laissée à une négociation particulière, qui s’ouvrit à Londres en 1818.

Jusque-là, jamais l’Angleterre n’avait fait entendre la plus légère réclamation sur le territoire de l’Oregon. Ce n’est que dans cette négociation, comme cela est prouvé par les instructions de M. Adams, secrétaire d’état, aux plénipotentiaires américains, M. Rush et M. Galatin, que les Anglais prétendirent avoir des droits par les découvertes du capitaine Cook et les achats de terres faits par Drake