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LE TERRITOIRE DE L’OREGON.

îles Sandwich. Presque tous les habitans de Vancouver sont mariés, ou ont pris une femme parmi les Indiens ; et comme ils ont tous de 2 à 5 esclaves, car l’esclavage existe dans toutes les tribus indiennes, on peut évaluer la population du fort à 800 ames. Il y règne le régime le plus sévère. Les hommes d’origine européenne, Canadiens ou Anglais, attachés au service de la compagnie, sont engagés pour cinq ans, au prix d’environ 400 francs par an. Ils reçoivent en outre par tête une ration de huit gallons de pommes de terre et huit saumons chaque semaine pendant l’hiver, en été des pois et du suif, mais jamais du pain ni de la viande. Le produit de la chasse et de la pêche de leurs esclaves leur appartient.

Les agens de la compagnie sont intéressés aux bénéfices. Les uns, placés à la tête des comptoirs, et ils sont en très petit nombre, ont droit à un quart d’action, ce qui représente un bénéfice net de 15 à 20,000 francs par an ; les autres, qui servent d’intermédiaires entre ceux-ci et les Indiens, n’ont qu’un huitième d’action. Les uns et les autres ne jouissent de cet intérêt dans les profits de la compagnie que viagèrement, et ne peuvent en disposer en aucune manière. Chaque année, les principaux agens se réunissent, à une époque déterminée, à l’établissement central d’York, sous la présidence du gouverneur de la compagnie, pour recevoir les ordres des directeurs de Londres, examiner les rapports des agens secondaires, discuter les plans d’exploration, déterminer le chiffre probable des dépenses et des produits, et s’entendre sur les ordres à donner aux trappeurs ; car, si la compagnie ne se fait aucun scrupule de détruire les animaux dans les districts de l’état de l’Union où elle peut pénétrer, elle veille très soigneusement à ce qu’on laisse les castors repeupler les cantons où sa domination est incontestée, et où leur nombre paraît diminuer : elle a fait même accepter, parmi les tribus indiennes qui lui sont soumises, une loi qui punit de mort le meurtre d’un castor au printemps ou dans l’automne. Dans le district de Columbia, le prix d’une peau de castor est à peu près de 10 francs. Chaque peau pèse environ une livre et demie, et la livre se vend, à Londres ou à New-York, 5 dollars, c’est-à-dire plus de 25 fr. ; et comme la compagnie achète les peaux de castor avec des marchandises sur lesquelles elle gagne au moins 50 pour 100, on peut juger de l’énormité de ses profits.

Chaque année, au printemps, un navire arrive de Londres à Vancouver chargé de gros draps, de toiles, d’objets grossiers de quincaillerie et de coutellerie qui servent aux échanges avec les Indiens, de tissus de coton et autres articles des fabriques anglaises qui se