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C’est une chose étrange que le long-temps qu’ont mis les nations d’Europe à découvrir, à reconnaître et à explorer les côtes et l’intérieur de cette partie du continent américain. Cependant à peine les Espagnols furent-ils devenus les maîtres du riche empire du Mexique, qu’ils pénétrèrent jusqu’à la mer Pacifique. Fernand Cortez, qui dirigea la première expédition, reconnut le golfe de Californie et le Rio Colorado. Mais bientôt les troubles et les dissensions des Espagnols dans cette partie du monde, et les embarras politiques de la cour de Madrid en Europe, arrêtèrent cette ardeur de découvertes, et ce ne fut qu’en 1543 que Bartolome Ferrelo poussa jusqu’au 43° de latitude nord. Un demi-siècle plus tard, Juan de Fuca découvrit et explora le détroit qui porte son nom, vers le 48° de latitude, et quelques années après Vizcaino visita de nouveau les côtes découvertes par Ferrelo.

Depuis lors jusque vers la fin du dernier siècle, la plus profonde obscurité enveloppa cette contrée. Cependant, en 1763, un Américain, Jonathan Carver du Connecticut, qui avait fait un long séjour au milieu des tribus indiennes du haut Mississipi, avait révélé l’existence d’une grande rivière, nommée Oregon, ou rivière de l’ouest, par les Indiens, à qui il en avait entendu parler, et qui se jetait, disait-il, dans la mer Pacifique, vers le prétendu détroit d’Anian. Ce fait passa presque inaperçu ; mais, par un concours singulier de circonstances, dans le même temps les Espagnols reprenaient l’idée de s’assurer la possession de la Californie et de toutes les côtes nord-ouest. Ce projet, qu’avaient inspiré à l’Espagne les craintes que faisaient naître les entreprises des Russes sur la côte la plus voisine du pôle, fut réalisé en partie par les établissemens formés en 1770 et dans les années suivantes à Monterey, vers le 36° de latitude, et dans la baie de San Francisco, aussi bien que par une suite d’expéditions maritimes. En 1774, Juan Perez, qui commandait la première, n’alla pas au-delà du 54°, mais il explora avec soin la côte jusqu’au 49°, et découvrit une baie considérable nommée par les naturels Nootka, et à laquelle il donna le nom de San Lorenzo, qu’elle n’a pas conservé. L’année suivante, don Bruno Heceta reconnut l’exactitude des découvertes de Juan de Fuca, que l’on mettait en doute, et signala l’embouchure de la large rivière dont Carver avait parlé. Dans le même temps, d’autres navires espagnols, sous le commandement de Bodega, remontaient jusqu’au 57° de latitude, et prenaient possession de toute la côte au nom du roi d’Espagne.

C’est ici qu’apparaissent deux nouveaux acteurs, l’Angleterre et