cessé de saper leur puissance par tous les moyens. Les partisans de l’ancien régime voulurent remuer, mais Vedchi leur imposa silence. L’aristocratie des spahis était désormais trop affaiblie, divisée en trop de factions rivales, pour pouvoir réclamer efficacement ses priviléges. Quant au bas peuple musulman, la terreur le contenait. Aussi, lorsque les ministres d’Abdul-Medjid, loin de retourner en arrière, eurent cru pouvoir étonner l’Europe par un coup d’état inattendu en promulguant le hati-chérif de Gulhané, le visir réformiste, Vedchi, se trouva dans une position des plus fortes au milieu des raïas serbes.
La puissance du visir de Bosnie était telle, que le prince Miloch, déposé du trône, ne crut pouvoir remettre le soin de sa vengeance en de meilleures mains que celles de Vedchi. Des lettres qu’il expédia à ce visir et aux autres pachas bosniaques leur léguèrent comme une proie son ingrate et indocile Serbie. Peut-être espérait-il, par cette mesure, abattre ce qu’il appelait le parti russe, et réaliser violemment la concentration de toutes les tribus de race serbe sous la suprématie d’un seul visir. On conviendra qu’il y avait au moins un machiavélisme bien cruel dans le choix des moyens employés pour arriver à ce but. Les deux pachas de Zvornik et de Novibazar, avec cinq ou six mille musulmans d’avant-garde, parurent à la frontière serbe, tout prêts à l’envahir. Heureusement, les visirs de Bosnie et de Bulgarie envoyèrent à ces pachas défense, sous peine de mort, d’attaquer la principauté que garantissaient deux empereurs, ils leur ordonnèrent de se rendre aussitôt à Nicha. Ces chefs y portèrent, pour se justifier, la lettre d’appel de Miloch, où on lisait que, las de régner sur des rebelles, le prince remettait sa patrie aux Turcs comme à ses maîtres légitimes. Cette lettre, envoyée à Belgrad, fut lue devant la skoupchtina serbe, qui fit remercier Vedchi de sa prudente modération.
Le visir avait d’ailleurs sur les bras de trop sérieuses affaires pour penser à venger son cher Miloch en inquiétant la Serbie. Le vieux pacha de Skopia, Osmane, au concours et à la sagesse duquel il devait tous ses succès, avait été envoyé comme visir en Asie : l’absence de ce vieillard laissait un grand vide dans le conseil de Vedchi. Bientôt les begs de Saraïevo, indignés des manières franques et des vexations fiscales du représentant de Vedchi dans leur ville, le chassèrent ignominieusement. Le visir, qui avait eu le temps de former son jeune nizam aux manœuvres européennes, et qui se fiait dans cette force nouvelle, ne craignit pas de sommer les begs et sénateurs de la ca-