Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/391

Cette page a été validée par deux contributeurs.
385
LITTÉRATURE ANGLAISE.

nération littéraire contemporaine de Byron et de Scott n’a plus que de rares représentans et de nobles débris ; la seconde génération, celle de Bulwer, de Sheridan Knowles et de Payne Collier, commence à s’endormir dans le repos d’une célébrité acquise, et la troisième, la plus active et la plus jeune, ne se distingue point par des caractères assez précis et des théories assez spéciales pour qu’on l’isole de ses aînées.

Le polygraphe Southey vient de mourir. Depuis long-temps, son intelligence s’était affaiblie ; les cordes de l’instrument s’étaient détendues, non-seulement au souffle des années et sous l’hiver de l’âge, mais fatiguées d’avoir donné trop d’accords, et comme usées sous la main de l’historien, du poète, du philosophe et du philologue. Nous ne le connaissons guère en France que par le mal que l’on a dit de lui ; personne n’a été moins épargné que cet écrivain supérieur ; le scandale, la médisance et la calomnie ont escorté sa vie entière. On le rencontrait dans toutes les carrières, toujours ardent et excessif. À peine, dans ces derniers temps, l’Angleterre a-t-elle rendu justice complète aux travaux de son impétueuse jeunesse, de sa virilité laborieuse, de son âge vieillissant qu’il consumait dans une solitude toujours féconde. C’est une des grandes misères des talens originaux d’étonner la médiocrité jalouse et de lui déplaire par la nouveauté même de leurs procédés, et Dieu sait ce qu’elle tient en réserve d’inventions malveillantes pour éclairer l’obscurité de cette énigme qu’elle ne comprend jamais.

Aujourd’hui l’on reconnaît enfin, dans ce même Southey, si vivement poursuivi par lord Byron, l’un des meilleurs prosateurs et des poètes les plus remarquables de la génération qui s’éteint. Peut-être ne lui manquait-il que les qualités médiocres, la sobriété et la modération. La pureté et la solidité idiomatique de sa prose, l’audace et l’élévation de sa poésie, l’étrangeté de ses essors, les variations de ses doctrines, le radicalisme voltairien de sa jeunesse et le torysme enthousiaste de son vieil âge, la vagabonde ubiquité de son érudition, ses essais rhythmiques, le nombre et la bizarrerie de ses épopées, la finesse de ses recherches grammaticales et la sûreté de son savoir dans presque toutes les langues et les littératures de l’Europe, ne permettent de le comparer à personne, même parmi ses plus célèbres concitoyens. C’était une tête essentiellement épique. Il ne valait rien pour les petites choses. Ses fautes même ont de la grandeur et une certaine vaste régularité d’erreur. Ses narrations en prose, ses chroniques, ses livres de controverse et ses histoires, trop anglais