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LES DEUX RIVES DE LA PLATA.

deux. On les a partagées fictivement par l’ancienne rue de la Plata, aujourd’hui de la Fédération, et on a donné des noms différens au prolongement du nord et à celui du sud. Ainsi, une des rues les plus célèbres dans l’histoire de Buenos-Ayres s’appelle, depuis le Retiro jusqu’à la place, rue de la Paz, et, depuis la place jusqu’à l’extrémité méridionale du plateau, rue de la Reconquista, nom glorieux pour la population de Buenos-Ayres et d’un triste souvenir pour les Anglais.

On trouve à Buenos-Ayres peu de monumens dignes de ce nom, et nous avons déjà indiqué les principaux. Quelques églises, un ou deux couvens, la caserne du Retiro, qui est fort bien située, et le cimetière de la Recoleta, dont l’extérieur est noble et imposant, le Fort, la cathédrale et les édifices de la place, dont nous avons parlé, telles sont à peu près toutes les richesses monumentales de cette grande ville. Les deux théâtres, dont un en fort mauvais état, ne se distinguent en rien des maisons qui les avoisinent, et ne sont guère que de simples maisons appropriées à leur objet. Le meilleur des deux, celui de la Victoria, est convenable, et la salle est bien éclairée ; mais les corridors sont sales, et les loges, qui ne sont fermées de côté qu’à hauteur d’appui, et qui sont ouvertes sur le corridor, doivent être bien froides quand le temps est froid. Quoique la troupe ait perdu et que la politique l’ait décimée, elle aussi, nous ne l’avons pas trouvée entièrement mauvaise. Elle a pour le saynete (la petite pièce, la farce) un excellent comique et une vive et spirituelle actrice. Quant à la pièce sérieuse, qui généralement n’est autre que notre drame moderne traduit en espagnol, elle s’exécute d’une manière supportable, et tout aussi bien qu’on le fait chez nous, sur la plupart des théâtres de province. On regrette beaucoup à Buenos-Ayres un acteur appelé Lapuerta, qui avait long-temps étudié en France, et qui s’est réfugié à Montevideo, où il mérite la faveur dont il est l’objet, bien qu’à notre gré il ne soit pas de la bonne école.

Il existe encore à Buenos-Ayres quelques couvens d’hommes et de femmes que le gouvernement actuel favorise ; mais ils n’ont ni grandes richesses ni grande influence sur la population. On peut en dire autant du clergé séculier lui-même, qui est cependant nombreux. Plusieurs ecclésiastiques ont joué autrefois dans le gouvernement de Buenos-Ayres un rôle important, moins comme prêtres que comme citoyens éclairés ; ils sont morts à temps pour éviter les persécutions dont ils n’auraient pas manqué d’être l’objet en leur qualité de par-