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LES CHEMINS DE FER.

débattra pas librement les clauses, la compagnie tenant suspendue sur sa tête l’éventualité menaçante du remboursement. Quant à trouver une autre société qui prenne la place de celle qui aura créé le chemin, en payant à celle-ci la valeur des rails, des locomotives et des voitures, si le cas se présentait, l’état subirait probablement des conditions tout aussi dures que par le passé, car aucune compagnie n’exposera un capital de 50 à 60 millions sans avoir obtenu les plus fortes garanties.

Si la compagnie qui s’est formée pour exploiter les chemins du Nord consent, moyennant une prolongation de bail de dix années, à livrer gratuitement à l’état la voie de fer et le matériel d’exploitation, cela veut dire qu’elle estime, pendant ces dix années, qui seront nécessairement les plus productives, le revenu net du chemin à 5 ou 6 millions de francs. Néanmoins, comme le gouvernement, en lui substituant une compagnie nouvelle durant le même intervalle, ne pourrait évidemment se réserver qu’une part de ce bénéfice annuel, nous le croyons fortement intéressé à accepter une proposition qui ne retarde son entrée en possession que pour le dispenser d’un remboursement onéreux au pays.

Au moyen des modifications que nous indiquons ici, les deux projets de loi sur lesquels la chambre va délibérer nous paraîtraient se présenter dans des conditions beaucoup plus acceptables. Si la compagnie qui doit exécuter le chemin d’Avignon à Marseille consentait, pour prix d’une jouissance de cinquante années, à réduire de 10 millions la subvention qu’elle doit recevoir, et si la compagnie qui est appelée à exploiter les chemins du Nord se chargeait, au prix de 115,000 fr. par kilomètre, de construire la double ligne, en prenant l’engagement de livrer sans indemnité à l’état la voie de fer avec son matériel au bout de quarante-huit ans, nous croirions que l’on aurait obtenu par là un grand résultat. C’est à la commission que la chambre a investie de sa confiance de négocier ce changement dans les termes de la loi.

Mais quand les projets de chemins de fer ne devraient pas être modifiés, et ils ne peuvent l’être que de gré à gré, comme toute mesure prise en exécution d’un contrat, il nous paraît que la chambre commettrait une inconséquence en les repoussant. Les défauts que l’on y découvre appartiennent à la loi générale du 11 juin 1842, déjà sanctionnée par les trois pouvoirs, et il ne se peut pas que ceux qui ont consacré la règle reculent devant l’application. Toute autre solution eût été sans contredit préférable à celle que le gouvernement