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fait foi, que le gouvernement serait amené, dans la plupart des cas, à traiter à forfait avec les compagnies fermières, pour qu’elles se chargeassent, moyennant un prix déterminé, non-seulement de l’achat des rails et du matériel, mais aussi de la construction des travaux. Alors les causes d’embarras disparaissent, les chances de conflits s’éloignent avec elles. C’est le seul procédé à l’aide duquel on puisse, en effet, appliquer la pensée de la loi. »

Ou nous nous trompons fort, ou le gouvernement est, sur ce point, de l’avis de M. Daru, de l’avis de tout le monde ; mais le penchant dominateur et l’esprit de monopole qui caractérisent l’administration des ponts-et-chaussées ne permettent pas au ministère de suivre ses instincts naturels. L’administration des ponts-et-chaussées veut construire le chemin du Nord ; c’est une idée fixe qu’elle a laissée apercevoir sous tous les ministères, et qu’elle poursuit avec une opiniâtreté qui fait obstacle à toute autre combinaison.

Si l’on devait céder à ces prétentions tyranniques, il aurait peut-être été préférable de charger les ponts-et-chaussées de l’exécution complète du chemin, depuis les terrassemens jusques et y compris la pose de la voie, ainsi que ses dépendances en matériel. Il en eût coûté cher à l’état, car la dépense pouvait excéder les ressources disponibles, et la durée des travaux pouvait se ressentir de la lenteur proverbiale des procédés administratifs. Mais l’exécution aurait du moins été conduite avec ensemble et avec unité ; on ne se serait pas exposé à ces conflits que prévoit M. Daru, qui ont peut-être déjà commencé, et qui peuvent amener l’impuissance par l’anarchie.

L’embarras du gouvernement se révèle, au surplus, dans les termes de l’exposé des motifs et jusque dans les clauses que le cahier des charges a consacrées. « La rédaction du bail, dit M. Teste, a présenté d’assez grandes difficultés. » En effet, il a fallu régler, dès à présent, les conditions auxquelles la compagnie prêterait ses rails à l’administration pour exécuter les déblais et les remblais, tout comme l’administration a dû se charger de poser le sable pour la compagnie, qui lui tiendra compte des frais. Ce n’est pas tout ; comme la livraison du chemin aurait pu éprouver des retards, l’état a dû se soumettre, dans l’intérêt des capitaux qui contribuent à l’entreprise, à une pénalité, à une amende par chaque jour perdu. La compagnie encourt la même amende, si elle ne pose pas les rails et si elle ne commence pas l’exploitation dans les délais fixés. De quelque côté que l’on se tourne, on ne voit que matière à procès, à contestation et par con-