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morale n’est pas l’apanage exclusif d’une religion, et il serait éminemment injuste de confondre le scepticisme avec l’immoralité. S’il le fallait, l’histoire de l’église avant et après Alexandre VI fournirait des argumens irrésistibles à l’appui de cette assertion.

Mais si les jésuites devaient prendre encore un plus grand empire sur le clergé, s’ils devaient poursuivre le même système d’insulte et de calomnie, sans que le clergé en masse les désavouât, une réaction ne se ferait pas attendre long-temps. Le pays commence à être attentif, et il ne tardera pas à montrer de l’inquiétude. Le jour où l’opinion publique forcerait le gouvernement à prendre quelques mesures de précaution, il serait difficile d’empêcher que tout l’édifice religieux ne fût ébranlé. Il faut donc s’appliquer sérieusement à éviter cette secousse. Le clergé n’y est pas seul intéressé, car une telle réaction ne s’effectuerait que sous l’influence des partis extrêmes. Le gouvernement, qui peut-être ne se préoccupe pas assez de la gravité de cette question, sentira, il faut l’espérer, la nécessité de prévenir, par sa fermeté, une agitation qu’il ne pourrait que difficilement apaiser.

Il y a trois siècles qu’après avoir raconté l’infâme attentat commis par le fils d’un pape sur un évêque revêtu de ses habits pontificaux, un historien italien ajoutait :

« Bien que je sache que ce que je viens d’écrire puisse un jour m’être nuisible, je sais aussi ce que dit Tacite, qu’un historien doit toujours préférer la vérité à toute autre chose, même lorsqu’il s’expose à quelque danger. »

Actuellement ces paroles de Varchi ne sauraient avoir d’application, et il ne faut pas un grand courage pour dire la vérité. Tout au plus peut-on être atteint par quelques injures ou par quelques calomnies ; mais vous savez, monsieur, qu’il y a des hommes qui ne s’arrêtent pas devant un mandement, et qui n’ont pas peur d’un article de journal. Dans ma prochaine lettre, je vous parlerai des luttes du clergé contre l’Université.


G. Libri.