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versitaire, mais on l’a prôné partout, et l’on a trouvé excellentes les plaisanteries qu’il contient. Rira bien qui rira le dernier ! On dit que M. l’archevêque de Lyon aurait préféré que cet ouvrage fût publié dans une autre ville. Ces regrets sont prudens, mais tardifs : il aurait fallu arrêter la première édition de cet écrit lorsqu’on l’insérait par partie dans les journaux religieux. Le clergé tout entier est compromis par cette publication, qu’il a prise sous son patronage, et qui est du reste parfaitement conforme à l’esprit de tous les mandemens dont la France est inondée.

Du temps de Louis XIV, on pouvait se consoler des intrigues de jésuites en reportant les yeux sur le véritable clergé français. Aujourd’hui, où trouver des Bossuet, des Fénelon, des Massillon, des Huet, des Mabillon, capables de nous faire oublier les pères Le Tellier de notre siècle ? À la place d’ouvrages immortels, on ne nous donne plus que des libelles remplis de solécismes, et pourquoi ? C’est parce qu’il n’y a plus de véritable église gallicane et qu’il n’y a que des jésuites. Dès que l’on fait la moindre allusion aux libertés de l’église gallicane, les journaux catholiques s’irritent ; ils crient à l’anathème, ils demandent l’oubli de ces questions[1]. Et encore si toutes ces colères, toutes ces injures partaient du cœur ! si elles étaient véritables et sincères ! Mais, sauf quelques exceptions, on ne sait que trop à quoi s’en tenir à ce sujet. Des voltairiens, des apôtres fougueux du saint-simonisme, se brouillent un beau jour avec un journal philosophique où l’on n’aura pas voulu chanter leurs louanges, et comme avant tout il faut avoir un journal, une tribune, on se jette tout à coup dans la presse religieuse, et l’on y porte la même fougue, le même emportement que l’on avait dans le camp opposé. Il n’est besoin de nommer personne ; toute la France reconnaîtra ces portraits.

Dès que l’on marche avec la congrégation, on appartient à l’opposition, et, à ce titre, on se ménage des appuis dans la presse ; d’autre part, comme on prétend représenter le principe de l’ordre, on est accepté par le gouvernement, et l’on s’impose aux ministres. À force d’injures et de calomnies, on se fait craindre, on devient un homme important, et l’on fait ses affaires tout en parlant de celles du ciel. C’est là ce qui a fait dire dernièrement à une femme d’esprit ce mot qui a été répété : Autrefois on servait Dieu ; actuellement on s’en

  1. Consultez l’Univers du 21 novembre 1841.