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sur l’instruction publique, qui contient une si complète apologie de l’Université, il semble exciter au plus haut point la bile du clergé. Le jugement si nettement formulé par M. Guizot, dans son Histoire de la Civilisation, sur les malheurs qu’a causés partout la compagnie de Jésus, le désignait naturellement aux attaques de la congrégation : aussi n’a-t-il pas été épargné. Oubliant l’histoire, oubliant que cet ordre a été aboli par un pape, le Monopole universitaire répond que les jésuites étaient le bouclier des rois, et que, par leur chute, les catastrophes les plus effroyables ont été précipitées. « Les jésuites, dit ce livre, ont été condamnés, égorgés sans preuves, sans témoins, sans défense… » et il conclut en disant avec son atticisme ordinaire que M. Guizot ne fait que du gâchis, qu’on ne comprendrait pas comment il aurait l’impudence de parler ainsi si « l’impiété, la haine de Jésus-Christ et de son église, et la lâcheté… n’expliquaient tout… Il n’y a rien à répondre, ajoute-t-on, à une ignorance ou à une mauvaise foi de cette force-là[1] ! »

Je ne puis vous donner ici qu’une idée fort imparfaite de ce livre, où tant de noms sont inscrits. Dans cette longue liste de proscription, vous devez penser, monsieur, que la Revue des deux Mondes n’a pas été oubliée. Les rédacteurs anciens et nouveaux de ce recueil sont traités suivant leurs mérites. M. Lerminier, M. George Sand, M. de Musset, M. Gustave Planche, qu’on confond avec l’auteur d’un dictionnaire fort connu, sont plus spécialement désignés. M. Sainte-Beuve, chargé du crime irrémissible d’avoir su nous intéresser si vivement au sort de Port-Royal, a été particulièrement attaqué par la faction jésuitique. On a eu aussi la bonté de s’occuper de moi. Je suis, si l’on en croit les auteurs de cet ouvrage, un impie furieux, un fanatique d’irréligion et de haine anti-chrétienne, anti-monarchique, anti-sociale ;… il paraît que ma spécialité, c’est la haine, la haine qui verse sa bile, haine menteuse, ignorante, et un besoin d’insulter qui tient de la rage et de la folie[2] ! et tout cela pour avoir cru que les Arabes avaient aidé à la renaissance des lettres en Occident ! À la bonne heure ; on serait vraiment fâché de ne pas se trouver avec tant d’hommes recommandables ; malgré soi, on est porté à s’écrier avec Voltaire :

Juste Aristide et vertueux Solon,
Tous malheureux morts sans confession !

  1. Le Monopole universitaire, pag. 231, 269 et 275.
  2. Ibid., pag. 19 et 20.