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brûler tout vif[1] ! Ces injures, ces calomnies répétées mille fois dans les journaux ont été réunies et reproduites avec additions et corrections dans un livre de plus de six cents pages, qui vient de paraître à Lyon sous le titre de Monopole universitaire, et que j’ai déjà cité. Cet écrit anonyme, qui est l’œuvre collective de la congrégation, mais dont, à ce qu’on assure, un chanoine de Lyon, ancien officier, est l’éditeur responsable, fournit une nouvelle preuve à l’appui de cette double assertion, que les jésuites compromettent gravement le clergé, et que, malgré leurs ruses habituelles, ils manquent de l’habileté qui fait réussir les grandes entreprises. Comment ont-ils pu supposer qu’en insultant avec rage tout le monde, qu’en jetant la boue à pleines mains sur tous les hommes dont la France apprécie le talent, qu’en accusant de tous les crimes, de toutes les bassesses, des gens dont la conduite est connue du public, et qui vivent au milieu de la société, ils pourraient produire un effet favorable à leur cause ? Est-ce là de la charité évangélique ? Est-ce là la voix majestueuse d’un dieu irrité ? Non, c’est le cri de la haine impuissante aux abois. La France subira-t-elle encore le joug de ces hommes qui nous font à tous l’honneur de nous injurier comme ils ont injurié Pascal ? Est-ce en disant que M. Cousin ajoute à l’insolente grossièreté du cocher la plate hypocrisie du valet[2], ou en traitant de misérable un homme aussi généralement estimé que M. Quinet[3] ; est-ce en appelant M. Bonnechose un fou furieux[4], qu’on veut inspirer de la confiance et ramener à un culte soutenu par de tels moyens ? Personne n’a pu échapper à la fureur de ces singuliers apologistes de la religion chrétienne. On a dit de M. Fauriel, dont toute la France connaît le savoir et l’aimable impartialité, que sa haine pour le clergé catholique est de la prétrophobie[5]. M. Ampère, qui, dans son Histoire littéraire de

  1. Le monopole universitaire, pag. 457.
  2. Ibid., pag. 237. Ces délicatesses de langage reviennent souvent dans ce livre ; en voici un exemple : « Voilà pourquoi Brutus, Marat et leurs bouchers ont toute la tendresse de M. Cousin, et qu’ils sont placés parmi les grands hommes, avec Voltaire et Rousseau, en attendant Vidocq, Espartero, etc. » (Ibid., pag. 483.)
  3. Ibid., pag. 26. On dit plus loin (pag. 357), à propos de l’opinion de M. Quinet sur la création : « L’univers se compose de matière et d’esprit, d’eau et de pierres, de grenouilles et de philosophes, de panthères et de forçats, de M. Quinet et du ver qui lui a servi d’élément. »
  4. Ibid., p. 114.
  5. La phrase qui concerne M. Fauriel est bonne à citer, ne fût-ce que comme specimen du savoir grammatical de ces gens qui voudraient enlever l’enseignement à l’Université ; la voici : « Pour saint Césaire et les autres, il y aura moins encore et les conjectures et les soupçons d’un esprit dont la haine pour le clergé catholique semble être de la prétrophobie, suffira pour autoriser la calomnie. » (Le Monopole universistaire, pag. 40.)