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LETTRES SUR LE CLERGÉ.

temps de rudes coups à leurs alliés ; car vous le savez, monsieur, ce furent des hommes pieux qui, craignant pour la religion, dont certaines maximes leur paraissaient altérer la pureté, obtinrent une première fois l’expulsion des Jésuites. Protégé par les noms de Bossuet et de Fénelon, appuyé sur la célèbre déclaration de 1682, le clergé, au XVIIe siècle, releva son autorité ; mais bientôt les jésuites reprirent tout leur empire. En cédant, à leur instigation, sur les points les plus essentiels, l’église gallicane compromit ses plus chers intérêts, et lorsqu’enfin, après une banqueroute prouvée judiciairement, les jésuites furent chassés de France aux applaudissemens universels, la nation confondit dans son jugement la congrégation dirigeante et les membres du clergé qui, sans trop de résistance, avaient suivi une si funeste impulsion.

Au commencement de la révolution, le sentiment religieux s’était tellement affaibli, que, malgré la persécution dirigée contre le clergé, il n’y eut dans la masse de la nation, aucune réaction en sa faveur. Apres la terreur, quand les esprits, trop long-temps comprimés, se relâchèrent, on rechercha les plaisirs et le luxe ; les arts, les lettres et les sciences reprirent faveur, toutes les anciennes idées reparurent un instant, mais l’opinion publique resta muette à l’égard du clergé. Ce fut seulement lorsque Napoléon songea à se faire oindre par le pape, que le culte fut rétabli ; cependant, quoique l’empereur se fût appliqué à donner au clergé une organisation nationale à l’aide du concordat, il fallut toute sa volonté pour faire accepter au peuple et à l’armée les cérémonies religieuses. Bien que soumis en apparence, le clergé, excité par la cour de Rome, ne tarda pas à s’insurger contre Napoléon. Si cette lutte n’eut pas de plus graves suites, l’indifférence publique en matière de religion y contribua au moins autant que la main ferme du maître. Les esprits alors n’étaient nullement préparés à recevoir les lumières de la foi. La philosophie de Condillac, soutenue par Cabanis et par M. de Tracy, était généralement reçue par le petit nombre de personnes qui s’occupaient encore de ces matières, et il était difficile de faire adopter la révélation par des hommes qui ne croyaient pas à la spiritualité et à l’immortalité de l’ame. C’est à la réforme de la philosophie, aux travaux de M. de Bonald et de Maine de Biran, et principalement à l’enseignement de M. Royer-Collard, que le clergé a dû d’abord la possibilité de faire entendre sa voix. Sous la restauration, il se fit un grand mouvement philosophique dans la jeunesse, par l’influence surtout de M. Cousin ; et comme toute nouveauté réussit en France quand elle est appuyée