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REVUE. — CHRONIQUE.

latif ? Ce sont là des incertitudes que la discussion des bureaux n’a pas levées, et qui se dissiperont sans doute pour la chambre au jour éclatant de la tribune.

Un corps politique dans lequel iraient se confondre de droit tous les anciens serviteurs de la couronne, toutes les personnes successivement investies de sa confiance et de celle du parlement, une institution purement consultative, à laquelle appartiendraient tous les chefs des grandes opinions constitutionnelles, tous les personnages consulaires du pays, ce serait peut-être là un élément précieux dans ce temps de mobilité démocratique, au sein de ce gouvernement sans traditions. Mais que fait le projet de loi ? contient-il le germe d’une pensée vraiment politique ? Il est permis d’en douter. La faculté de pensionner quelques ministres sortans, à l’exclusion de certains autres, ne sera pas une force attribuée à la royauté, qui se consolide plus par des institutions indépendantes et stables que par les faveurs personnelles qu’elle est dans le cas de répandre. Croit-on que la couronne ait beaucoup gagné au droit de choisir, selon son bon plaisir, tous les membres de la chambre des pairs ? et oserait-on bien soutenir que la transmission par hérédité était moins monarchique que le système en vertu duquel on a imaginé, pour équilibrer trois pouvoirs entre eux, d’investir l’un de ces pouvoirs du droit absolu de nommer l’autre ? L’on peut sans doute se rendre pour un temps le gouvernement facile en dominant les hommes et en affaiblissant les institutions, mais c’est sous condition de voir celles-ci manquer bientôt à ceux qui en auront épuisé la sève. L’art véritable de gouverner consiste à créer des forces pour être au besoin en mesure de s’appuyer sur elles. Il peut suffire à l’empirisme de conjurer les embarras de chaque jour en prenant chaque situation par ses détails et chaque homme par ses faiblesses ; l’esprit politique doit aspirer à des victoires plus durables et moins périlleuses pour l’avenir. Si la création d’un conseil privé de la couronne doit être autre chose qu’un expédient propre à rendre plus faciles quelques combinaisons de personnes, nous désirons que le gouvernement et les chambres ne perdent pas de vue ce grand principe, qu’il n’y a de force que dans ce qui existe par soi-même.

Une partie de l’opposition paraît décidée à repousser d’une manière absolue la création des ministres d’état et à refuser le vote financier qui en est la conséquence. Il en est une autre mieux avisée qui accepte cet établissement à condition qu’on le revête du caractère d’une institution. Celle-là comprend qu’il n’y a profit pour la dignité de personne à exposer des hommes politiques, le jour même où ils quittent les affaires, à recevoir de leurs successeurs ou une faveur pécuniaire, ou une injurieuse exclusion ; elle voudrait en conséquence que le titre de ministre d’état fût attribué de droit à tous les secrétaires d’état qui quitteraient le pouvoir. Cette opinion paraît faire de grands progrès dans la chambre, et ce ne seront certes pas les considérations monarchiques qui manqueront pour l’appuyer. Opposer partout l’organisation à l’arbitraire, la hiérarchie à la faveur, faire successivement pour toutes