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MARIA.

Puis sortait emportant la pièce dans sa main.
À force toutefois de savoir le chemin,
Elle s’apprivoisa : — comme un oiseau volage,
Que le premier automne a privé du feuillage,
Et qui, timidement laissant les vastes bois,
Se hasarde au rebord des fenêtres des toits ;
Si quelque jeune fille, ame compâtissante,
Lui jette de son pain la miette finissante,
Il vient chaque matin, d’abord humble et tremblant,
Fuyant dès qu’on fait signe, et bientôt revolant ;
Puis l’hiver l’enhardit, et l’heure accoutumée :
Il va jusqu’à frapper à la vitre fermée ;
Ce que le cœur lui garde, il le sait, il y croit ;
Son aile s’enfle d’aise, il est là sur son toit ;
Et si, quand février d’un rayon se colore,
La fenêtre entr’ouverte et sans lilas encore
Essaie un pot de fleur au soleil exposé,
Il entre en se jouant, innocent et rusé ;
Il vole tout d’abord à l’hôtesse connue,
En sons vifs et légers lui rend la bienvenue,
Et becquète son doigt ou ses cheveux flottans,
Comme un gai messager des bonheurs du printemps.

« Telle de Maria (c’était ma jeune fille)
Jusqu’à moi, du plus loin, la caresse gentille
Souriait, s’égayait, et d’un air glorieux
Elle accourait montrant à deux mains ses cheveux.
Je pourrais bien ici faire le romanesque,
Vous peindre Maria dans la couleur mauresque,
Quelque gitana fière, à l’œil, sombre, au front d’or ;
Mais je sais peu décrire et moins mentir encor.
Non, rien de tout cela, sinon qu’elle était belle,
Belle enfant comme on l’est sous ce climat fidèle,
Comme l’est tout beau fruit et tout rameau vermeil