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DES INTÉRÊTS FRANÇAIS DANS L’OCÉANIE.

d’Amérique, et à les faire déporter, à la fin de 1831, sur une côte déserte de la Californie, qu’ils atteignirent après les plus grands périls. Apprenant qu’un changement était survenu dans le gouvernement de ces îles par la mort de la reine Kaahumanu, les courageux missionnaires se confièrent de nouveau à la Providence et se dirigèrent, en 1837, vers les terres chéries que leur parole avait déjà fécondées. D’affreuses nouvelles avaient, depuis cinq ans, aggravé pour eux les douleurs de l’exil, et les poussaient à des résolutions désespérées. Tous les navires du commerce qui abordaient au port d’Honolulu, tous les journaux américains en mesure de donner quelques nouvelles de ces lointaines contrées, annonçaient qu’une persécution générale était organisée pour anéantir le catholicisme dans les îles. En lisant le récit de ces actes des apôtres polynésiens dans les Annales de la propagation de la foi, on se croit en effet transporté au berceau même de l’église ; ce sont les mêmes épreuves et le même héroïsme, ce sont presque les mêmes noms que dans les lettres de saint Paul ; dénominations imposées par un récent baptême pour préparer ceux qui les portent à un prochain martyre. C’est Luc, c’est Philippe, c’est Hélène, c’est Pulchérie, que vous voyez conduire en présence des méthodistes ou de leurs kumucks, et qui, sur leur refus d’assister au prêche, sont condamnés au travail des carrières.

« On faisait cependant de continuels efforts pour séduire les confesseurs. La vieille reine alla elle-même solliciter Esther Uhète d’assister à la prière de Bingham ; toutes ses instances furent inutiles. L’aveugle Didyme ne fut pas moins inébranlable ; il était toujours content, quoique ses gardes, par un raffinement de barbarie, ne permissent pas à sa mère Monique de le conduire et de l’aider dans le travail auquel il avait été condamné… Le 26 août 1832, les gardes signifièrent aux catholiques captifs que, s’ils n’embrassaient pas le culte des protestans, leurs cases seraient démolies, toutes leurs possessions confisquées, et les femmes séparées de leurs maris. Les choses en demeurèrent là jusqu’au 1er  septembre. À cette époque, on voulut mettre les prisonniers aux fers, et déjà on allait commencer par la petite Marguerite, âgée de sept ans, lorsqu’Esther s’y opposa avec fermeté et obtint d’être conduite au chef avant de subir le nouveau châtiment. Elle partit donc suivie de Philippe, d’Hélène, et de quelques autres[1]. »

Cette première persécution fut un moment arrêtée par l’énergique intervention du consul d’Angleterre, qui nourrit de ses deniers les

  1. Annales de la propagation de la foi, tom. XII, no LXX.