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d’une scène empruntée à l’Arioste et au monde féerique Cette erreur de lieu et de temps à part, il y a dans cette peinture un goût de poésie fantastique qui ne nous déplaît pas. Tout y est, comme style, composition et couleur, conventionnel au dernier point et d’un caprice scandaleux mais, enfin, il y a dans ce caprice un sentiment non équivoque de l’art, et assez d’esprit pour faire passer le reste. Si, comme il y a toute apparence, l’auteur de ce tableau est aussi celui de quelques-uns des paysages refusés, il aurait mauvaise grace de garder rancune au jury. Il comprendra que des académiciens, dont plusieurs parlent encore quelquefois de monsieur David, ont, en prenant ses Syrènes, fait un acte d’abnégation véritablement héroïque.

Parmi les produits les plus intéressans de notre jeune école coloriste, il convient de ne pas oublier le Trouvère de M. Couture. Ce trouvère, pauvre artiste ambulant assez délabré, est une manière de Gil Blas assis sur un pan de mur, avec une guitare à la main, entouré de quelques petits vauriens de race et de propreté espagnole, et de jeunes filles auxquelles il a l’air de conter des histoires. Tout cela composerait un joli et frais morceau de couleur, si le quart au moins de la peinture promise n’était restée au bout de la brosse de l’artiste. Beaucoup de tableaux réputés finis aujourd’hui auraient paru, en d’autres temps, à peine commencés. M. Couture est cependant très capable, lorsqu’il le veut, d’aller plus loin que l’ébauche, comme le prouve son très beau portrait d’homme (no 291, galerie de bois). Cette insuffisance d’exécution ne nous empêchera pas de le remercier des deux charmantes figures de femmes qu’il a placées au côté gauche de sa composition ; les têtes, d’une expression douce et pensive, et d’un sentiment poétique, sont peintes avec beaucoup de finesse, et c’est vraiment dommage qu’avec de si jolis visages ces belles dames aient de si vilaines mains et des toilettes si négligées.

Nous ne ferons que saluer en passant la belle Grazia, de M. Rodolphe Lehmann, comme une ancienne connaissance ; elle s’appelait, les années précédentes, Chiaruccia, Mariuccia. Mais viendra-t-elle toujours seule ?

Si la manière de M. Muller est un peu la caricature de la couleur, celle de M. V. Robert est la caricature du clair-obscur. Il s’agit d’un Néron chantant pendant l’incendie de Rome, peinture qu’il est difficile de ne pas rencontrer quand on entre dans le premier bras de la galerie et qu’on n’est guère tenté de revoir quand on en sort. Il n’y a rien de pire que la hardiesse malheureuse.