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ment se montrer quelque part. Si M. Papety, au lieu de vouloir s’élancer ainsi du premier coup au plus haut sommet de l’idéal historique et philosophique, s’était proposé un but mieux proportionné à ses forces, il eût certainement réussi, et son rêve de bonheur n’aurait pas été pour lui un rêve de gloire. Nous ne blâmons pas la direction qu’il a prise ; nous recevons la philosophie, la morale dans l’art. Nous pensons même qu’à notre époque la haute peinture historique, privée qu’elle est des sujets de représentation et du matériel pittoresque qu’elle possédait jadis dans la religion et dans l’antique mythologie, ne pourra guère trouver d’autres thèmes élevés et sérieux à exploiter que dans des sources du genre de celles où a puisé M. Papety, phalanstériennes ou autres. Mais la philosophie et la littérature ne suffisent pas ; il faut d’abord, et avant tout, qu’un peintre soit peintre ; on ne fait pas de l’art seulement avec des idées, avec des théories, avec des formules. De notre temps, le raisonnement esthétique est très développé chez les artistes, et le métier s’en va. Nous admettrons volontiers des peintres philosophes, mais non des philosophes peintres. Les premiers ont fourni Poussin ; quant aux seconds, ils seront toujours, nous le craignons bien, exposés, comme M. Papety, à ne faire admirer leur esprit qu’aux dépens de leur talent.

Après ces quelques morceaux d’histoire dans lesquels la critique trouve un texte ou prétexte pour s’exercer, qu’a-t-elle à faire avec la masse des productions de la même catégorie ? Sera-t-elle obligée de trouver un mot pour chacune et perdre son temps à discuter la valeur de ce qui n’existe pas ? La critique n’est pas le jury ; elle n’a pas à établir des rangs, à faire de la justice distributive ; il lui est permis de faire comme le public, de s’arrêter à ce qui lui plaît, de fuir ce qui la choque, de prendre, de laisser, enfin de choisir. Nous userons librement de ce droit dans ce qui suit.

Nous avons indiqué déjà précédemment les Baigneuses du jardin d’Armide, de M. Glaize, le même qui nous donna l’an passé une Psyché. La donnée est la même ; ce sont des figures de femmes nues dans un paysage. Armide, voulant attirer dans ses rets Renaud et son compagnon, leur fait voir de loin ces deux jeunes filles dans un appareil qui ne pouvait manquer de piquer la curiosité de ces bons paladins. La description du Tasse les fait belles, mais la poésie, en pareille occasion, ne vaut pas de beaucoup la peinture. Cette beauté est un peu sévère pour la circonstance. Celle des deux qui est debout a un air d’innocence qui conviendrait mieux à une Ève ; il y a peut-être dans les genoux et dans la jambe fléchie une légère faute