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d’une manière absolue. Cette mesure fut confirmée par Charles II, lors de la restauration. Cependant l’Écosse échappa à cette prohibition par une interprétation subtile, mais pourtant fondée, de son union à l’Angleterre, et George III dut, par un statut de 1783, la rendre commune à cette partie du royaume britannique. Restait encore l’Irlande, qui, jusqu’en 1830, eut le droit de planter du tabac et de l’exporter ensuite dans la Grande-Bretagne aux mêmes conditions que le tabac des colonies, grevé de droits moins considérables que ceux qui pesaient sur les tabacs étrangers. Vers 1824, la culture de l’Irlande, qui d’abord était peu considérable malgré le tarif protecteur, prit un grand accroissement, et il en résulta pour le fisc un préjudice qui attira l’attention du gouvernement. Après une enquête du parlement, l’Irlande rentra en 1830 sous la loi commune du royaume-uni.

La quantité totale de tabac consommée en Angleterre est annuellement, d’après une moyenne officielle de quatorze ans, de 10 millions 506,160 kil., ce qui fait par tête 0k,433. Cette quantité est presque tout entière fabriquée dans l’intérieur du pays, qui compte 741 fabriques employant ensemble 20,000 ouvriers environ. Le nombre des débitans est de 156,850.

Les droits d’importation sont les plus considérables ; ils sont de 7 fr. 66 c. par kilog. pour les tabacs en feuilles provenant des possessions britanniques, et de 8 fr. 12 cent. pour toutes les autres espèces de feuilles. Ils produisent net 78 millions 474,085 fr. ; ils s’appliquent à 8 millions 478,985 kilog. de feuilles qui produisent, par l’augmentation de poids de 25 pour 100 à laquelle donne lieu la fabrication, la quantité totale de tabac consommée annuellement. Ces tabacs proviennent en très grande partie des États-Unis.

Les droits de licence pour la fabrication annuelle varient, suivant l’importance de la manufacture, de 126 à 756 fr., et produisent net 156,318 fr. Les licences de débit sont de 6 fr. 14 cent. par an, et produisent net 1 million 067,134 fr. Le revenu net monte donc à la somme de 79 millions 697,537 fr., c’est-à-dire à 80 millions environ.

Outre la quantité de tabac importée en Angleterre pour la consommation intérieure, il y a encore 6 millions 328,245 kilog. qui viennent séjourner dans les entrepôts anglais, dont les principaux sont à Londres et à Liverpool. Ils sont de là expédiés soit en Europe, soit dans les Indes occidentales anglaises ; ils n’y subissent que des frais d’emmagasinage peu élevés qu’ils paient à leur entrée et à leur sortie.

Il résulte de cette revue des divers états où l’industrie du tabac est abandonnée à la libre concurrence, qu’en Angleterre seulement l’impôt qui pèse sur cette industrie rapporte un revenu considérable. Ce revenu, un peu supérieur à celui que le gouvernement français retire actuellement, est assis sur une consommation moins considérable d’un tiers que celle de la France. Cette différence provient de ce que l’impôt qui pèse sur cette marchandise est beaucoup plus fort en Angleterre qu’en France. Sans compter les droits de licence, de fabrication ou de vente, qui ne sont qu’une très minime fraction de l’impôt total, puisqu’ils ne s’élèvent qu’à 1,200,000 francs,