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essais dramatiques publiés dans ses œuvres, entre autres une espèce de caprice dialogué assez brillant, dans le genre de ceux d’Alfred de Musset, et intitulé Folle Vie et plus folle Mort (Vivir loco y morir mas). La comédie qui a été son début au théâtre a pour titre un proverbe : Chacun son droit (Cada cual con su razon), comme la plupart des anciennes comédies espagnoles ; le passage suivant de la préface montrera ce que Zorrilla avait voulu faire en l’écrivant : « L’auteur de cette pièce, dit-il, ne s’est jamais regardé comme un poète dramatique ; mais, indigné de voir notre scène nationale envahie par les monstrueuses productions de l’élégante capitale de la France, il a cherché dans Calderon, dans Lope et dans Tirso de Molina, des aventures et des personnages qui ne rappellent en rien Hernani et Lucrèce Borgia. » Voilà certes un bien bon sentiment pour un Espagnol ; il aurait pu même dire, pour se donner tous ses avantages, que, Hernani étant lui-même une imitation très sensible du théâtre espagnol, il ne ferait, en recourant directement aux sources, qu’éviter un détour au moins inutile. Voyons maintenant si l’idée était aussi bonne littérairement qu’au point de vue patriotique, et si elle a été exécutée avec assez de liberté.

La pièce commence par une querelle entre deux amans. Doña Elvire est la fille du marquis de Velez ; don Pèdre est un jeune cavalier qui ne connaît pas sa naissance. Doña Elvire aime don Pèdre, mais elle a un secret qu’elle ne veut pas lui confier ; elle doit recevoir un homme dans son jardin le soir même, et elle ne peut dire quel est cet homme. Don Pèdre se désespère, doña Elvire pleure, mais sans rien dire de ce qu’elle doit taire. Alors don Pèdre séduit la camériste Inès et se fait cacher derrière une grille. L’inconnu arrive bientôt accompagné d’un confident ; il s’assied sur un banc auprès d’Elvire, et le pauvre don Pèdre entend sa fiancée faire toute sorte de coquetteries à son visiteur nocturne. Tout à coup survient un nouvel inconnu qui entre par une porte secrète, et qui se heurte contre le confident. Comment ! ils sont trois ? s’écrie don Pèdre furieux ; il sort de sa cachette, Elvire s’enfuit, les quatre hommes tirent leurs épées et se battent dans l’ombre. La ronde de nuit survient au bruit, et un alcade arrête les combattans. Sur une des épées qui lui sont remises, l’alcade reconnaît le blason royal. Le premier inconnu, c’est le roi don Philippe IV, qui court les aventures la nuit, comme les rois de Castille du bon temps. À ce nom, tous se découvrent. Le second inconnu veut se sauver, caché dans son manteau. La garde court après lui et le ramène, mais le roi ne veut pas savoir