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Manzoni, Monti, Ugo Foscolo, Pindemonte, Parini, Alfieri lui-même, et dans des temps plus rapprochés de nous, mais non moins agités Colletta, Botta et Silvio Pellico. Depuis les révolutions avortées de 1820 et de 1821, l’activité littéraire s’est atténuée, et le génie italien semble s’être assoupi. En Allemagne, la grande période de Goethe et de Schiller coïncide avec l’époque des guerres de la révolution et de l’empire, et avec les transformations violentes qui ont changé de fond en comble la vieille constitution du corps germanique. Depuis que l’ordre et la paix sont rétablis de l’autre côté du Rhin, le mouvement intellectuel s’affaiblit et ne jette plus que de rares éclairs. En Angleterre, Walter Scott et Byron sont contemporains de la grande lutte contre la France et des efforts terribles qu’a dû faire leur pays pour jeter à bas la colossale puissance de Napoléon.

En France même, il semble que nous devions à nos débats intérieurs l’éclat qui s’est attaché depuis le commencement du siècle à notre littérature. M. de Châteaubriand a écrit toute sa vie au milieu des révolutions ; cette gloire si radieuse et si pure s’est levée dans les orages. Après lui, les jours les plus tourmentés de notre histoire récente ont été aussi les plus féconds en œuvres littéraires. Les dernières années de la restauration et les premières années de la révolution de juillet, si fiévreuses, si ardentes, si pleines de discordes civiles, ont vu l’apogée du succès chez tous nos écrivains vivans : MM. Guizot, Lamartine, Thiers, Cousin, Villemain, Lamennais, Victor Hugo, George Sand, Alexandre Dumas et autres. Dès qu’un repos relatif a succédé à ces agitations, l’effet en a été sensible sur la littérature. Elle vit encore de l’impulsion qu’elle a reçue il y a quinze ou vingt ans, mais cette impulsion ne se ravive plus, et nous ne voyons pas beaucoup de renommées nouvelles apparaître à l’horizon. Quelques-uns même des noms les plus éclatans hier commencent déjà à s’envelopper des ombres fatales de la décadence. Est-ce donc que l’esprit ait besoin pour créer de l’excitation que lui donne le spectacle dramatique des luttes civiles ou des querelles nationales ? Est-ce que le poète, le philosophe, l’historien, ne sont en quelque sorte que les échos du monde extérieur, et faut-il que quelque grande question s’agite dans les faits, que de puissantes forces soient aux prises, que des problèmes sociaux soient posés sur la poudre des champs de bataille ou sur le pavé des places publiques pour que le génie s’éveille et trouve des accens nouveaux ?

Quoi qu’il en soit, l’Espagne est aujourd’hui le pays de l’Europe le plus travaillé par les commotions politiques, et c’est aussi celui de