Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
REVUE DES DEUX MONDES.

années, soit a Montevideo, soit à Buenos-Ayres, où la plupart d’entre eux étaient fort connus et avaient des relations qui rendaient ces plaisanteries plus piquantes.

Grace à ce mode de construction, c’est-à-dire aux terrasses plates qui couvrent toutes les maisons, l’aspect de Montevideo, comme celui de Buenos-Ayres, est assez gai. Il y a dans toutes les rues de l’air et du jour. Un grand nombre de ces terrasses sont entourées d’une balustrade à jour qui ne manque pas d’élégance, et les plus belles maisons ont de plus une espèce de belvédère appelée mirador, comme qui dirait regardeur, d’où la vue s’étend sur toute la ville, sur la campagne et sur la mer. C’est un panorama dont il est facile de se donner le luxe, et qui, avec les terrasses, est d’une grande ressource dans des pays où il y a peu de promenades, principalement à Montevideo. Dans cette dernière ville, un des miradores les plus élevés est celui de la veuve de l’ancien consul de France, M. Cavaillon, femme aimable, dont le gracieux accueil témoigne qu’elle est devenue toute Française. À Buenos-Ayres, le mirador de la maison du général Rosas est à la fois le plus élégant et le plus élevé. Ses couleurs tranchantes frappent la vue de très loin quand on arrive au mouillage, et c’est un des points qui, avec les clochers des églises, relèvent le mieux la monotonie d’un paysage sans grandeur et sans pittoresque.

Montevideo n’a d’ailleurs que fort peu d’édifices remarquables. L’église que l’on appelle de la Matriz est cependant d’un goût assez pur, grande et convenablement ornée, sans exagération. On y voit une sainte Vierge noire, au pied de laquelle les nègres viennent s’agenouiller de préférence. L’hospice est d’un aspect sévère, mais entièrement d’accord avec sa destination, et paraît bien tenu. Le fort ou palais du gouvernement est un édifice maussade et de l’extérieur le plus lourd ; l’intérieur n’en vaut pas mieux. La grande salle de réception manque de grace et de majesté ; elle est obscure et meublée pauvrement La maison particulière du président de la république, le général Rivera, est beaucoup plus somptueuse. Quant au théâtre, il tombe en ruines, mais on en construit un nouveau.

L’immense accroissement que Montevideo a pris depuis quelques années a pour cause principale le blocus de Buenos-Ayres par la France. Mais l’impulsion était déjà donnée ; le blocus a seulement accéléré un progrès qui est dans la nature des choses, et que Montevideo doit avant tout à sa situation. Cela est si vrai, que l’effet survit à la cause, et que le flot de l’émigration européenne, qui a tant fé-