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déconcerter M. Arago bien plus encore que l’astre errant par lequel il a été tout récemment surpris dans la quiétude de l’Observatoire.

Il n’est pas à croire que l’opposition engage de nouveau le combat sur aucune proposition introduite par voie d’initiative particulière. Nous ne voyons pas quelle question serait de nature à dominer l’impatience bien légitime qu’éprouve l’assemblée d’entrer enfin dans les affaires positives et de hâter le terme de ses travaux. Peut-être cependant peut-on s’étonner que personne n’ait essayé de réveiller les vieilles sympathies de la chambre pour la conversion de la rente. Il est étrange qu’une législature nouvelle trace son programme sans qu’une seule allusion soit faite à une question qui suffisait en d’autres temps pour renverser les cabinets. Si l’état présent du trésor et les surcharges chaque jour multipliées qu’on fait supporter à la dette flottante interdisent une opération immédiate sur la masse de nos rentes 5 pour 100, peut-être eût-il été habile à l’opposition de faire proclamer au moins le principe de la conversion par la prise en considération d’une proposition sur cette matière. Ne pas prononcer le mot de conversion, c’est paraître y renoncer pour l’avenir comme pour le présent, c’est laisser croire que, dans ce pays d’engouement et de légèreté, il suffit de faire durer les questions pour les user. Nous lisions l’autre jour dans un journal anglais qu’il en serait certainement du droit de visite comme de la conversion des rentes, et que cette machine de guerre n’en avait plus pour une année. Rien n’est moins exact assurément, mais on comprend que l’Europe puisse s’y tromper.

Nous ne conseillons pas au ministère de se reposer sur cette prétendue similitude, car il ne tarderait pas à en porter la peine. S’il a une chance vraiment sérieuse de durée, s’il peut un jour rattacher à sa fortune les hommes qui ne lui prêtent qu’un concours provisoire et les conservateurs qui ont cru devoir le lui refuser pour cette année, c’est en terminant d’une manière digne et nationale la grande question qui sépare aujourd’hui la France de l’Angleterre. La solution de cette difficulté internationale aurait pour la consolidation du cabinet une portée incalculable. Que M. le ministre des affaires étrangères obtienne de la confiance de la Grande-Bretagne un traité analogue au traité américain, qu’il satisfasse au vœu des chambres, auquel il a déclaré s’associer, il s’assurera ainsi un avenir durable et l’Angleterre elle-même, par une réparation donnée à propos, retrouvera tous les profits d’une alliance aujourd’hui précaire et contestée. L’habile modération qui signale les débats du parlement britannique depuis l’ouverture de la session, et la cessation parmi nous d’une polémique irritante, laissent peut-être quelque espérance d’arriver à ce résultat.

Nous ne supposons pas cependant que M. Guizot soit tenté d’acheter cette importante concession au prix du traité de commerce sur lequel certains journaux publient des renseignemens que nous aimons à croire controuvés. Le cabinet sait trop bien qu’il ne résisterait point à la signature d’une telle convention ; il n’ignore pas que des assurances toutes personnelles, en ad-