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REVUE. — CHRONIQUE.

succès prochain et assuré. On sait assez que la persévérance ne manque pas plus que le talent à son honorable auteur.

La proposition de M. de Sade a rencontré un accueil moins favorable, et il en devait être ainsi. Les questions que soulève la présence des fonctionnaires publics dans le parlement présentent, en effet, un double péril : ou les réformes proposées atteignent un très petit nombre d’intérêts particuliers, et alors elles sont stériles, ou elles menacent l’administration tout entière et les principes même de la législature, et alors elles sont souverainement dangereuses. L’interdiction faite aux députés de suivre le cours régulier et légitime d’une carrière antérieurement commencée ne peut avoir pour effet que d’enlever à la représentation nationale un personnel accoutumé au maniement des affaires publiques, pour le remplacer par des hommes systématiquement hostiles au pouvoir, ou qui se croient, dans leur confiance, appelés à conquérir de haute lutte une de ces positions dites politiques, qu’on prend grand soin d’excepter dans toutes les propositions soumises à la chambre, et qui n’avaient jamais été aussi nombreuses que dans celle de l’honorable M. de Sade.

Le système des incompatibilités atteint moins directement et la carrière des fonctionnaires, et l’économie générale de l’administration. Il est à croire que, si la loi électorale de 1831 était à refaire, l’intérêt du service déterminerait à ajouter quelques catégories de fonctions publiques à celles que cette loi atteint aujourd’hui. Mais cet intérêt est-il de nature à légitimer, de la part de la chambre une tentative dont le moindre inconvénient est d’inquiéter de nombreuses existences ? Nous ne le pensons pas, et nous comprenons qu’à la suite d’un débat sans chaleur et sans portée, elle ait refusé de s’engager par une prise en considération. Il ne pouvait d’ailleurs être question, au début d’une législature, de l’application actuelle du principe des incompatibilités, puisque cette application rendrait une dissolution nécessaire. C’était donc un engagement purement théorique qu’on réclamait de la chambre, c’était enfin une idée qui se liait plus ou moins dans l’opinion publique à celle d’une fin prochaine. L’assemblée a reculé devant la répugnance qu’éprouvent certaines gens à faire leur testament, quoique cet acte ne soit pas de nature à avancer l’instant de la mort, et puisse se rédiger en pleine santé.

Dans cette discussion, où l’on n’a trouvé de part et d’autre que des redites, M. de Lamartine a fait un pas de plus dans l’éclatante et dangereuse carrière où il s’est si audacieusement engagé. La fièvre de réformes dont l’illustre orateur paraît dévoré formait le contraste le plus curieux avec la froideur de l’opposition, et l’indifférence de la gauche, pour laquelle sa parole et son programme étaient un double embarras. M. de Lamartine, dont on se dissimulerait en vain la puissance croissante au dehors, a renoncé à toute action dans la chambre ; c’est une comète ardente qui vient illuminer tour à tour les points divers de l’horizon, et dont les rapides évolutions sont destinées à