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LETTRES SUR LA SESSION.

cussion tient encore la chambre des députés dans une pénible et fatigante oisiveté. Tout concourt à prolonger les sessions et à écarter ainsi du parlement beaucoup d’hommes qui y apporteraient des lumières, de l’autorité, de la considération, et qui ne peuvent point, chaque année, consacrer six ou sept mois aux affaires publiques. Le seul examen du budget, soumis depuis 1814 à tant de critiques, de réformes, de réductions, de suppressions, absorbe pendant trois ou quatre mois une commission nombreuse qui reprend chaque année, avec un courage digne d’un emploi plus utile, la discussion de questions épuisées, l’alignement de chiffres connus et vérifiés, la réfutation de systèmes ruinés, et retarde souvent, par la longueur de ce travail de Pénélope, la clôture de la session, subordonnée par nos usages au vote du budget. Les commissions pourraient être nommées par l’assemblée entière et puiseraient à cette source plus d’autorité et d’ascendant ; malheureusement jamais la chambre n’use de ce droit : elle s’en rapporte toujours aux bureaux, composés par le hasard, et dans le sein desquels prévalent les rivalités personnelles et les petites intrigues. La commission d’intérêt local, chargée de toutes les propositions relatives aux départemens et aux communes, pourrait agir comme un conseil d’état et exercer sur l’administration le plus utile contrôle ; mais, après l’avoir composée de députés nouveaux ou peu influens, la chambre trouve bon qu’elle se borne à un enregistrement passif et dépourvu d’ensemble.

Les affaires extérieures sont soigneusement dérobées à l’examen du parlement, aussi bien après la conclusion, ce qui est un tort, que pendant qu’elles se traitent, ce qui est nécessaire. Les documens diplomatiques restent enfouis dans les archives de l’état, et ceux qui veulent étudier notre politique étrangère ne peuvent la suivre que dans les recueils officiels publiés chaque année par le gouvernement anglais. L’indifférence des députés encourage ce mystère ; si, par aventure, quelques pièces rares sont communiquées deux jours avant une discussion, on craint de les faire imprimer, et à peine quelques membres iront-ils les consulter. Certaines matières sont l’objet de publications détaillées et complètes ; combien les étudient ? Aucune impulsion générale et supérieure n’est donnée au gouvernement par la chambre ; aussi, les habitudes de critique et de résistance y remplacent la solidarité et la confiance qui naîtraient d’une immixtion plus réelle dans les affaires, et la chambre, avec le rôle qu’elle a pris, est plus souvent une entrave qu’un secours, une gêne qu’un appui. Les ministres, au lieu de lui emprunter leur force, ne voient en elle qu’une surveillante incommode dont il faut à tout prix éluder l’action et tromper les regards. Ils lui livrent l’administration en échange de l’autorité politique dont elle se dépouille. Les citoyens ont appris que toute affaire privée, place, récompense, concession, entreprise, est subordonnée à l’appui d’un député. L’influence du député est donc souvent illimitée, mais la chambre, dans son ensemble comme pouvoir politique, comme clé de voûte, n’a pas dans l’estime et la confiance du pays le rang qui lui appartient ;