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amener la chute des whigs, car elle acheva de leur aliéner l’église, déjà très mal disposée, du reste, à leur égard. Quand, en 1835, le roi Guillaume IV saisit l’occasion de la mort de lord Spencer pour congédier le ministère whig, les tories dirent ce mot, bien souvent rappelé depuis « C’est la reine qui a tout fait. » Après les élections de 1841, qui les ramenaient aux affaires, ils pouvaient aussi bien dire : « C’est l’église qui a tout fait ! » Ce qui a assuré, en effet, le triomphe du parti conservateur, c’est son alliance avec le parti religieux. À chaque nouvelle mesure que proposaient les whigs, les tories trouvaient le moyen d’y mêler l’église. « Nous ne pouvons plus rien faire, disait le chancelier de l’Échiquier, sans qu’on nous accuse d’attaquer l’église. Nous ne pouvons pas faire passer la plus simple clause du bill le plus insignifiant, sans exciter les soupçons des champions de l’église. Si l’on veut que toutes nos discussions soient nécessairement empreintes d’un caractère religieux, alors que la chambre donne sa démission, car de cette façon, il y aura à tout moment une telle agitation dans le pays, que nous serons absolument réduits à l’inaction. »

Ces observations pouvaient être fort justes en théorie, mais elles étaient mal placées en Angleterre, et les tories les accueillaient avec des applaudissemens ironiques. « Comment ne voyez-vous pas, disait M. Gladstone, que vous vous ruinez de jour en jour par vos tentatives contre l’église ? Est-ce que l’expérience ne vous éclaire pas ? Tous les ans, vous proposez quelque nouveau plan, et vous revenez de l’assaut battus, défaits et humiliés. »

« Votre opposition ne m’intimide point, répondait lord John Russell : Vous pouvez arrêter nos efforts et vous en réjouir ; mais je n’ai pas oublié que, dans d’autres temps, j’ai fini par délivrer les dissidens des chaînes dégradantes de la loi du test et de la loi de corporation. Je m’attends à voir nos intentions calomniées, et à entendre crier de nouveau : À bas le papisme. Glorifiez-vous, si vous le voulez, de vos victoires, mais n’imaginez pas que vous pourrez reforger les chaînes que nous avons brisées. »

Nous rappelons à dessein, avec quelque détail, les principaux traits de cette discussion déjà un peu ancienne, parce que la question qui en était l’objet se représente aujourd’hui à peu près sous la même forme et dans les mêmes conditions, mais avec cette différence que l’administration est maintenant entre les mains du parti tory. Toute la conduite du ministère tory depuis son avénement est un des argumens les plus irréfragables que l’on puisse apporter à l’appui de la doctrine des votes de confiance. Ainsi, la majorité de la chambre des communes, élue dans un esprit très prononcé de réaction, a accepté des mains de sir Robert Peel des réformes plus larges et plus radicales que lord John Russell n’eût jamais osé en proposer. Au fond, dans un siècle comme le nôtre, où toutes les luttes d’opinions tendent généralement à se terminer par des transactions, il n’y a pas beaucoup de manières différentes de gouverner. Le mot bien connu : « Nous jouerons le même air, seulement nous le jouerons mieux, » est plus sérieux qu’il n’a l’air de l’être. On