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LE SALON.

se soustraire au patronage royal et à la haute main de l’état que par un acte de suicide. S’il se sépare de ces centres d’impulsion et d’autorité, et essaie de se pousser et se produire par d’autres voies que la grande voie publique, il tombera inévitablement dans les ressources mesquines et sans dignité du mercantilisme, et dans la dégradation qui en est la suite. Il entrerait dans le système anglais. Là où ce système règne, les exhibitions livrées aux inspirations des intérêts individuels ne sont que des étalages ; l’émulation a perdu son beau nom, et s’appelle la concurrence ; la gloire, ce rare et brillant joyau, a été échangée contre le succès ; l’art est devenu un métier, et les artistes (sauf quelques exceptions) des ouvriers en objets de luxe et de curiosité.

Au lieu donc de s’isoler, de se morceler, de bouder au jury et au salon, les artistes doivent se grouper autour du Louvre comme autour du palladium de l’art. Ils ont le droit d’y entrer, puisqu’on les y invite et que la fête est donnée pour eux. Si on les repousse, ils sont autorisés à se plaindre, mais non à se retirer sur le mont Aventin. Ils ont fait une supplique au chef de l’état. C’est bien. Qu’ils en attendent l’effet avec respect et confiance, sans en altérer le sens et en affaiblir l’efficacité par des actes inconsidérés de protestation et de scission dont le moindre inconvénient serait le ridicule.

II. — Peinture historique.

Nous n’avons pu arriver à l’entrée du salon sans traverser la question du jury. Les artistes auraient préféré peut-être que nous nous occupions un peu moins de leurs affaires et un peu plus de leurs ouvrages ; mais ils n’auront rien perdu pour attendre. Nous allons immédiatement les satisfaire en commençant, comme il convient, par les peintures sacrées. Ab Jove principium.

Tableaux de piété. — Commencer par les peintures religieuses, c’est se conformer à la hiérarchie des genres et non à celle des talens. En suivant la dernière, on rencontrerait d’autres œuvres et d’autres noms. Nous aurions fait marcher en tête M. Gabriel Gleyre, nom presque nouveau et avant peu ancien, avec sa nacelle chargée de jeunes filles, gracieuse et poétique création qu’on dirait détachée de quelque mur antique ; M. Meissonnier, ce Français dépaysé qui vit en société familière avec Terburg et Metzu ; M. Robert-Fleury, qui veut mettre le genre dans l’histoire ou l’histoire dans le genre, et