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l’esprit du jury, comme cela paraît urgent, il faut en modifier le personnel, n’importe par quels moyens, dont il faut laisser la recherche à la sagesse de qui de droit, et d’autre part, que, si on veut faire entièrement du neuf, on gâtera tout infailliblement.

On voit que ce premier point de réforme nous inspire bien peu de confiance. Il est pourtant considéré comme le plus important ; c’est celui sur lequel portent tous les projets, tous les vœux. Nous doutons que ces vœux soient exaucés, et que ces projets se réalisent. Quoi qu’il arrive, on n’aura pas grand sujet de se féliciter ou de se plaindre, car la principale cause de l’abus n’étant pas dans la composition du jury, mais dans l’essence même de la tâche qui lui est imposée, tout changement qui ne porterait que sur cette composition serait à peu près indifférent, et n’aurait que des résultats à peine appréciables.

On pourrait attendre davantage d’un second moyen, l’établissement d’une meilleure forme dans les délibérations et l’examen des ouvrages. Et d’abord il est évident de soi que quinze jours ou quatre-vingt-dix heures sont un espace de temps beaucoup trop court pour l’examen de quatre mille peintures ou sculptures. Nous croyons fermement que les deux tiers des quiproquos, qu’on prend pour des injustices ou des bévues, ne sont que des accidens inévitables dans cette manière expéditive de procéder. De là ces étonnantes disparates qui permettent de supposer qu’on suit dans ces décisions la méthode de l’honnête juge Bridoye, lequel, au dire de Rabelais, tirait aux dés le sort des plaideurs, pour ne pas charger sa conscience d’un mauvais arrêt. Mais les conséquences matérielles et morales de ces coups du sort étant très graves, il serait bon de corriger les caprices du hasard. Il ne faut, pour cela, que beaucoup d’attention et du temps. Un mois de plus ne serait pas de trop pour ce triage. Il donnerait trois minutes pour chaque décision au lieu d’une ; c’est bien le moins qu’on puisse exiger.

Ne serait-il pas utile aussi de soumettre le premier jugement à une sorte de révision. Ce jury est le seul tribunal de France qui juge sans appel. On sait pourtant qu’en fait d’art le même ouvrage ne se voit pas deux fois avec les mêmes yeux. Il faut y revenir souvent pour bien se rendre compte de ce qu’on voit. Pourquoi donc n’apporterait-on pas dans une inspection si délicate la dose de circonspection qu’on oublie rarement d’accorder à l’examen d’une pièce de monnaie tant soit peu suspecte ?

Enfin il serait à propos que les commissaires, régulièrement convoqués, voulussent bien se rendre au jury. L’introduction des jetons