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LE SALON.

nique de l’art, le résultat d’études sérieuses, en un mot si l’ouvrage porte dans son exécution la marque que l’auteur est arrivé à ce degré de science pratique qu’on doit exiger de quiconque aspire au titre d’artiste, parce que ce degré d’instruction est accessible à tous à l’aide du travail dont personne n’est dispensé. Le jury n’a rien de plus à demander aux productions soumises à son appréciation. S’il prétendait juger en outre de leur valeur absolue ou relative sous le rapport du style, de la composition, du goût, de l’exécution, de la couleur, du caractère, enfin de toutes les conditions internes qui différencient la manière de chaque artiste, et formuler ses jugemens en votes de rejet ou d’admission, il entreprendrait plus qu’il ne peut et qu’il ne doit. En effet, d’une part, une année entière ne suffirait pas à un examen de ce genre, et d’autre part on empiéterait sur le droit du public qui est, en définitive, le véritable juge du mérite des œuvres, puisque c’est pour lui qu’on expose et que c’est son suffrage qui dispense la gloire. Toutes ces idées de direction, de surveillance de l’art, de haute police esthétique, sont tellement en dehors des fonctions d’un comité d’examen et de toute possibilité, que nous hésiterions à les attribuer au jury, si l’ensemble de ses décisions et le caractère très significatif de quelques-unes ne donnaient une certaine consistance à cette imputation. Nous croyons cependant que, si ces pensées singulières ont pu traverser quelques têtes, la majorité y est toujours restée étrangère, et que, dans tous les cas, leur influence n’a eu aucun effet général bien marqué.

Nous avons exposé avec sincérité les faits qui plaident contre l’organisation actuelle du jury, et les causes qui les expliquent. Nous croyons ces faits indéniables, et, quant aux causes, nous n’avons tenu compte que de celles qui sont susceptibles de preuves, et par conséquent de discussion. Maintenant s’élève l’inévitable question qu’on fait à toute critique : que faut-il faire ? Nous allons y répondre avec la même franchise à l’égard du jury et à l’égard des artistes.

Lorsqu’une institution fonctionne mal, il n’y a qu’une chose à faire, c’est de la changer ou de la réformer ; c’est ce qu’indique le plus vulgaire bon sens. Mais pour qu’une réforme ait des chances de succès, il importe de bien s’assurer d’avance si le but de l’institution, qu’on suppose viciée, ne serait pas par hasard intrinsèquement irréalisable, c’est-à-dire entouré de difficultés telles qu’elles équivalent dans la pratique à des impossibilités. Dans ce cas, en effet, on s’exposerait inévitablement à l’un de ces deux résultats : à échanger un mal contre un autre, ou à empirer la situation. Or, nous le disons à regret, tel