les habitations, renverse les arbres, et par sa force d’impulsion entraîne le gravier de son lit, qu’elle dépose sur son passage en échange du terreau qu’elle dissout et enlève. La contrée est stérilisée et ruinée. Ces malheurs, trois fois répétés sur les rives du Rhône, indiquent assez que la puissance publique a un autre rôle à remplir que celui de réparer le mal quand il est arrivé : elle doit chercher à le prévenir, car ce n’est pas seulement la fortune privée qui souffre de ces catastrophes ; les subventions pour réparer les travaux emportés, les dégrèvemens pour récoltes perdues, les changemens de classe des propriétés cadastrées portent une atteinte profonde aux finances de l’état.
Étudions les malheurs de la vallée du Rhône, ils sont les plus récens, les plus complets ; ils seront les plus instructifs et nous éclaireront sur les mesures à prendre pour régulariser l’administration de nos rivières.
On ne peut pas reprocher à une digue qui est surmontée par les eaux de périr par défaut de solidité, la construction la plus habile et la plus soignée ne résiste pas à un tel accident ; on ne peut pas reprocher non plus aux riverains de n’avoir point élevé leurs digues à une hauteur qui excède de beaucoup les plus hautes crues connues, car alors il n’y aurait plus de limite. Cherchons plutôt à ces malheurs des causes que nous puissions atteindre et conjurer. On a cru que l’élévation extraordinaire du Rhône, dans ces dernières inondations, pourrait être due à un exhaussement de son lit ; il y a beaucoup de preuves du contraire, mais on ne réduit pas seulement le débouché d’un fleuve en exhaussant son fond, on le réduit aussi en diminuant outre mesure la largeur de son cours, et je pense que c’est ce qui est arrivé en beaucoup de lieux. On a construit depuis cinquante ans un grand nombre de nouvelles digues ; le lit du fleuve a été resserré. L’autorité qui veille sur le cours du Rhône, morcelée entre les préfets des deux rives, a été sans efficacité ; de plus elle a nui à la conservation du lit du fleuve, chaque rive se regardant comme rivale et cherchant à conquérir sur l’autre. De là, rétrécissement du fleuve, mauvaise direction des travaux, trop souvent entrepris dans un but d’hostilité réciproque. Telles me semblent les grandes causes des malheurs qui ont eu lieu sur le Rhône, et qui peuvent se reproduire partout. Ainsi, pour parer aux inconvéniens signalés, la première mesure à prendre est d’instituer une autorité unique qui décidera toutes les questions administratives soulevées par le cours des fleuves. Cette autorité, investie de pouvoirs suffisans, aurait dans ses attributions tout ce qui