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DE L’AGRICULTURE EN FRANCE.

vaux dans les maremmes ; la France ne peut hésiter à le suivre dans cette voie. Quant aux étangs artificiels de l’intérieur, ils doivent être abolis. Aucune considération d’intérêt privé ne peut prévaloir quand il s’agit de la santé de populations entières. Ce n’est pas user, c’est abuser du droit de propriété que de faire produire la peste à son champ. Que sera-ce quand on saura que l’intérêt bien entendu du propriétaire est précisément le desséchement ? L’exemple de plusieurs propriétaires éclairés l’a prouvé dans le département de l’Ain, et M. Nivière est à l’œuvre pour confirmer et populariser cette expérience parmi les élèves qui l’entourent à la Saussaye. Les riches récoltes obtenues sur ces étangs desséchés contrastent trop fortement avec les produits que l’incurie et la routine attendent de l’exploitation actuelle pour ne pas devenir le signal d’un heureux changement dans ces contrées. Espérons que l’on comprendra partout l’opportunité d’un pareil changement, et qu’on préviendra ainsi l’adoption de mesures législatives sévères, quelquefois promulguées par nos devanciers, mais toujours éludées ou tombées en désuétude. Une étude attentive de la matière montrera peut-être que le principal obstacle au desséchement est dans la lutte qui peut s’engager d’abord entre les intérêts souvent différens des propriétaires de l’eau et du terrain, puis dans le désaccord qui peut exister entre les propriétaires des divers étangs placés en échelons l’un sur l’autre et ayant l’un à l’égard de l’autre la servitude de fournir et de recevoir leurs eaux. Une disposition législative qui ferait cesser cette indivision par une licitation serait probablement la première mesure à prendre.

Les eaux stagnantes ne sont pas les seules qui nuisent à l’industrie agricole. Ces rivières, ces torrens que nous voulons utiliser, lui causent quelquefois de grands dommages, quand, dans des crues, ils sortent de leur lit, renversent leurs digues et se répandent sur la campagne. Si les fleuves qui ont des crues régulières comme le Nil, le Gange, répandent tant de bienfaits, c’est parce que les récoltes précèdent l’époque des inondations, qui est suivie des semailles, et qu’ainsi la fertilité de leurs limons, l’humidité qu’ils entretiennent dans le sol profitent à la culture sans pouvoir lui nuire. Il en est autrement quand les crues sont irrégulières et imprévues. Le premier sentiment des populations est alors de s’en garantir au moyen de digues insubmersibles, sans tenir compte des dépôts fertilisans que les eaux abandonnent. Mais quand ces digues sont renversées sur un seul point, la masse d’eau, contenue jusque-là à un niveau supérieur aux terres, s’élance, ravage tout devant elle, creuse le sol, détruit