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une ligne de rochers, puis par une plaine aride à peu près inculte ; mais à peine a-t-on fait quelques lieues au nord, que les chemins s’animent, les villages, plus nombreux, voient passer des voyageurs et des marchands, des chariots et des palanquins ; sur les collines, sous les palmiers se dressent et se cachent de vieux temples, les uns visités par des pèlerins qui baisent les cent marches d’un escalier taillé dans la pierre, les autres abritant sous leurs portiques pleins d’ombre le bœuf sacré, auquel les enfans des brahmanes présentent avec respect des touffes d’herbes fleuries. Sur le chapiteau d’une colonne, entre deux statues accroupies, se meut et grimace une figure étrange ; c’est celle d’un singe familier qui bondit au son des instrumens de cuivre et gambade de joie au passage des processions. Ce singe est un dieu aussi, Hanouman, le général des armées de Rama dans sa conquête de Ceylan. Bientôt, sur la mer qui scintille derrière les dunes, à travers les bouquets de palmiers, on voit glisser les blanches voiles de quelque gros navire cinglant vers Madras, la Chennapatnam des Hindous. Ainsi le voyageur retrouve l’Inde moderne et repasse par une brusque transition des calmes souvenirs du passé au bruit et à l’activité du présent.


Th. Pavie.